Les miracles posthumes de saint Louis de Gonzague

Voici des faits posthumes aussi extraordinaires qu’authentiques tirés de l’ouvrage du Père Virgile Cepari. Pour consulter la totalité des miracles méticuleusement reportés, vous pouvez consulter le livre gratuit à cette adresse : « vie de saint Louis de Gonzague ».

Des miracles opérés par intercession de saint Louis de Gonzague

« Mon dessein, en écrivant cette vie, n’a point été de rapporter tous les miracles et toutes les grâces accordées dans différents pays par les mérites et l’intercession de saint Louis après sa mort ; mais seulement de faire un choix de quelques actions saintes et vertueuses, qui, avec l’aide du Seigneur, peuvent être imitées de tout le monde. D’ailleurs, le récit d’un grand nombre de miracles n’ajouterait rien, dans l’esprit de ceux qui ont connu notre Saint, à l’idée qu’ils ont de sa singulière vertu ; parce que les personnes intelligentes n’ignorent pas que les dons surnaturels que Louis reçut de Dieu pendant sa vie, sont quelque chose de plus grand, de plus précieux, de plus désirable que la grâce des miracles. Cependant, afin qu’on sache que cette illustration ne lui a pas manqué, je rapporterai ici quelques-uns des miracles opérés depuis sa mort et confirmés par serment. Je laisse à d’autres le soin de parler de ceux qu’il peut avoir faits de son vivant.

L’an 1593, le marquis Rodolphe à qui notre Saint avait remis le marquisat et tous ses droits, étant mort au château de Jouffri, les habitants se soulevèrent contre la maison de Châtillon. La marquise sa mère fut si sensible à cette révolte, que sa douleur la fit tomber dangereusement malade ; en peu de jours elle fut à l’extrémité, et reçut les derniers sacrements. Elle était près de rendre le dernier soupir, lorsqu’elle aperçut près de son lit son saint fils Louis tout éclatant de gloire : sa présence fit une si douce impression sur la princesse, qu’ayant eu jusque-là le cœur flétri, de manière à ne pouvoir pas jeter une larme pour soulager sa douleur, elle en versa une grande abondance ; en même temps elle fut assurée, non-seulement de recouvrer sa santé, mais encore devoir les intérêts de ses fils prendre une tournure plus consolante. En effet, contre toute espérance la marquise guérit, et eut la consolation de voir la situation du marquis François, devenir plus florissante que n’avait été celle d’aucun de ses aïeux. Ainsi, le premier miracle que fit le Saint, après sa mort, fut un devoir de piété envers sa mère.

Antoine Urbain, de Sienne, âgé de seize ans, tailleur de profession, fut attaqué de maux de tête, accompagnés d’une distillation continuelle d’humeurs âcres et malignes : il avait le visage gonflé et les yeux si malades, qu’il ne pouvait supporter ni l’air ni la lumière. La fièvre qui se joignit à tous ces maux, l’obligea de se mettre au lit. Il souffrait depuis un mois, lorsqu’il lui survint à l’œil gauche une tumeur, qui, gagnant la paupière, la couvrit bientôt, de façon qu’il perdit tout à fait l’usage de cet œil. Le mal allant toujours en augmentant, fit craindre que le malade ne perdit encore l’autre œil. Un médecin essaya deux fois de lui appliquer quelques remèdes, qui ne firent qu’accroître le mal. Le médecin s’en aperçut, et, après avoir ordonné quelques autres remèdes, qu’on ne fit pas, il ne parut plus chez le malade ; ses douleurs aux deux yeux empiraient avec le mal, dont le principe restait fixé à la paupière, et il ne lui restait plus d’espérance de guérison. Ce malade avait un oncle potier : un jour, par hasard, cet oncle vit un enfant qui tenait en main une image de saint Louis de Gonzague. Le potier demanda à l’un de ses compagnons ce que c’était que ce Saint ? Celui-ci lui en ayant raconté plusieurs miracles, l’exhorta à lui vouer son neveu. Cet oncle ayant résolu de le faire, dit à sa sœur qu’elle prît cette image, et qu’au plus vite elle la portât au malade, afin qu’il eût soin de son côté de se recommander au Saint. À cet ordre de son frère, cette femme se sentit une vive foi ; elle ne douta point que par les mérites du Saint le malade ne guérît ; elle espérait même que ce serait la nuit prochaine. Il était déjà tard ; mais, sans perdre de temps, cette femme porta ce soir-là même l’image au malade. Elle lui raconta les miracles que faisait le Saint, l’exhorta à se vouer à lui, et se retira. Antoine reçut l’image avec dévotion : sur-le-champ il conçut l’espérance de guérir. Il se mit à genoux sur son lit, et tenant l’image en mains il promit de réciter cinq Pater et cinq Ave en l’honneur du Saint, si, par son intercession, il recouvrait la vue. Il récita tout de suite ces cinq Pater et ces cinq Ave, armé d’une vive foi dans les mérites du Saint, et il se fit, par trois fois, le signe de la croix sur ses yeux avec cette image ; ensuite il se recoucha, plaça cette image auprès de sa tête, et s’endormit. Sur les cinq heures de nuit, il songea qu’il était guéri, et qu’il pouvait retourner à son travail. S’étant éveillé et ne sentant plus aucune douleur aux yeux, il crut en effet qu’il était guéri : cependant ne pouvant encore s’en convaincre à cause de l’obscurité, il appela son oncle, et lui dit : Je crois que je suis guéri, car je ne sens plus de douleur aux jeux ; je les tiens ouverts sans peine, je les sens libres et desséchés. Quand il fut jour, la tante entra dans la chambre ; et Antoine revoyant la lumière, s’écria tout hors de lui-même : Ma tante, je vois ! je vois, je suis guéri ! À ces paroles la femme s’approche du lit, et son frère aussi, et tous les deux virent les yeux d’Antoine parfaitement nets : l’humeur ordinaire et l’inflammation avaient disparu, et la tumeur s’étant retirée vers la partie gauche de l’œil, était presque dissipée, et ne donnait plus d’écoulement sensible. Aussitôt ces bonnes gens remercièrent, avec toute la ferveur dont ils étaient capables, le Seigneur et saint Louis de Gonzague. Le jeune homme, qui ne pouvait auparavant supporter ni l’air, ni la lumière, se leva aussitôt, et alla entendre la messe. Après quoi il se rendit à son travail, et reprit son métier de tailleur. On dressa un procès-verbal de ce miracle au tribunal de l’archevêque de Sienne : les médecins y déclarèrent avec serment que cette guérison était surnaturelle et divine.

Marc-Antoine Gussone, noble Vénitien, était entré dans la Compagnie de Jésus, à Padoue. À sa seconde année de noviciat, vers les derniers mois de 16o3, il tomba malade d’une fièvre maligne accompagnée de pourpre. En peu de jours, le mal vint au point que la langue au malade enfla, sa bouche se remplit d’une matière putride et grasse, qui forma autour de ses dents une espèce de tartre, de façon que le malade ne pouvait ni ouvrir la bouche, ni parler ; il avait même, de temps en temps des délires. Comme le mal augmentait de plus en plus, les médecins déclarèrent que leur art n’y pouvait rien, et que le jour suivant on ferait très-bien d’administrer le saint Viatique au malade. Plusieurs des Pères qui se trouvaient là, et quelques autres encore, pensèrent qu’il serait à propos de faire faire a ce novice un vœu à saint Louis de Gonzague, auquel il avait une dévotion particulière. Un Père, qui était absent, écrivit la même chose Père recteur ; et un autre qui, sur les cinq heures de nuit, était en oraison devant une relique de saint Louis de Gonzague, se sentit aussi inspiré de parler au père recteur ; espérant fortement que Dieu, par les mérites de son saint serviteur, rendrait la santé au malade. Celui-ci ayant quitté subitement son oraison, vint proposer au Père recteur son inspiration. Le père recteur y consentit, et prenant la relique du Saint, que ce Père avait, il la remit au Père ministre, lui recommandant de la porter de sa part au malade, le lendemain matin, après qu’il aurait reçu le saint Viatique, et de lui faire vouer un pèlerinage en l’honneur du Saint à Notre-Dame de Lorette, ou en quelque autre lieu. Le Père ministre n’attendit pas jusqu’au matin à exécuter les ordres du Père recteur ; il se rendit tout de suite auprès du malade, lui présenta la relique, lui proposa le vœu selon les intentions et la volonté du Père recteur. Le malade prit la relique, la baisa avec beaucoup de dévotion, fit le vœu qu’on lui proposait, dans la ferme persuasion que c’était là son seul remède, et se recommanda avec instance à l’intercession du Saint. Dans le moment même on s’aperçut du mieux ; il passa si bien le reste de la nuit, que le matin les médecins déclarèrent qu’ils le trouvaient hors de danger ; de façon que n’étant pas dans la nécessité de recevoir le saint Viatique, il ne communia que pour satisfaire sa propre dévotion. L’évêque de Padoue fit dresser procès-verbal de cette guérison miraculeuse, et l’on envoya par reconnaissance, au tombeau du Saint, un tableau relatif à cette guérison.

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La sainteté de Louis de Gonzague

Voici deux magnifiques lettres rédigées après la mort de saint Louis de Gonzague par l’éminent cardinal Bellarmin (en 1601) et la très-sainte Madeleine de Pazzi (en 1600).

Première lettre

J’ai déjà eu occasion de citer le témoignage du saint cardinal Bellarmin, en parlant dans cette histoire des vertus de Louis. J’avais prié cette Éminence de vouloir bien mettre par écrit tout ce qu’il savait de ce saint jeune homme, dont il avait dirigé la conscience. En conséquence, voici le récit qu’il traça de sa propre main et qu’il m’envoya du palais du Vatican, où il demeurait depuis qu’il était cardinal.

« Mon très-révérend père, c’est avec plaisir que je répondrai à ce que vous me demandez ; d’autant plus qu’il me parait qu’il est de la gloire de Notre-Seigneur qu’on sache les dons accordés par sa divine Majesté à ses fidèles serviteurs. J’ai confessé long- temps notre très-cher et saint frère Louis Gonzague, et je l’ai confessé une fois généralement de toute sa vie.

C’était lui qui me servait la messe, et il s’entretenait volontiers avec moi des choses de Dieu. De ses confessions et de ses conversations, il me paraît que je puis assurer avec vérité ce qui suit ;

1. Qu’il n’a jamais commis de péché mortel ; et je le tiens pour certain, depuis l’âge de sept ans jusqu’à sa mort ; mais pour ce qui regarde les sept premières années, je le tiens par conjecture, parce qu’il n’est pas vraisemblable qu’il péchât mortellement, puisqu’il était appelé par le Seigneur à une si grande pureté.
2. Que depuis la septième année de sa vie, à laquelle, comme il disait, il se convertit du monde à Dieu, il a mené une vie parfaire.
3. Qu’il n’a jamais éprouvé aucune révolte de la chair.
4. Que dans l’oraison et la contemplation, il n’a pour l’ordinaire souffert aucune distraction.
5. Qu’il a toujours été un modèle d’obéissance, d’humilité, de mortification, d’abstinence, de prudence, de dévotion et de pureté. Dans les derniers jours de sa vie, il eut pendant une nuit une extrême consolation dans l’idée qu’il se faisait de la gloire des bienheureux ; et quoique cette consolation eût duré toute la nuit, il croyait qu’elle n’avait été que d’un quart-d’heure.

Dans ce temps mourut le père Corbinelli ; et interrogé sur ce qu’il pensait de cette âme, il répondit avec certitude ces paroles : Elle a seulement passé par le Purgatoire. Et moi, réfléchissant sur le naturel de Louis, si attentif à ses paroles, et à ne point assurer les choses qui pouvaient être douteuses, je ne balançai pas à croire qu’il avait su par révélation divine ce qu’il me disait ; mais je ne voulus pas lui faire d’autre question, pour ne pas donner lieu à la vaine gloire. Je pourrais rapporter encore quantité d’autres choses, que je passe sous silence, parce que je ne les ai pas si présentes.

Enfin, je suis persuadé qu’il est allé droit au ciel, et j’ai toujours prié pour lui avec quelque scrupule, craignant de faire injure aux grâces de Dieu que j’ai connues en lui. Au contraire, je n’ai jamais eu de scrupule à me recommander à ses prières, dans lesquelles j’ai beaucoup de confiance.

Que votre révérence prie aussi pour moi. Des chambres du Vatican, le 17 octobre 1601. Votre frère très-affectionné en Notre-Seigneur, Robert, cardinal Bellarmin. »

Ce saint cardinal s’explique encore plus au long sur les vertus et les louanges de ce jeune saint, dans le procès fait pour sa canonisation, et dans une exhortation qu’il fit à sa louange dans l’église du collège romain, l’an 1628.

Seconde lettre

Sainte Madeleine de Pazzi a donné un témoignage illustre de la gloire à laquelle Louis est élevé dans le ciel. Voici ce qu’en dit l’auteur de sa vie : L’an 1600, le 4 avril, la sainte étant dans un de ces ravissements qu’elle avait coutume d’avoir, vit dans le ciel la gloire du bienheureux Louis de Gonzague, de la Compagnie de Jésus. Surprise d’une chose qui lui paraissait extraordinaire, elle commença à parler posément, mettant de temps en temps quelque intervalle entre ses paroles.

« Ô quelle gloire, dit-elle, est la gloire de Louis, fils d’Ignace ! Je ne l’aurais jamais cru, si mon Jésus ne me l’avait fait voir ! Je n’aurais jamais imaginé qu’il y eût autant de gloire dans le ciel, que j’en vois dans Louis ! Je le dis, Louis est un grand Saint. Nous avons des Saints dans l’église, que je ne crois pas être aussi élevés. Elle voulait parler des reliques qu’on révérait dans l’église de son monastère. Je voudrais pouvoir parcourir tout l’univers, et dire que Louis, fils d’Ignace, est un grand Saint ; et je voudrais faire connaître sa gloire à tout le monde, afin que Dieu en fût glorifié. Il n’est si élevé en gloire, que parce qu’il a mené une vie intérieure. Qui pourrait jamais apprécier le mérite et la vertu de la vie intérieure ? Non, il n’y aura jamais aucune comparaison à faire entre les actes intérieurs et les extérieurs…

Louis fut un martyr inconnu. Quiconque vous aime, ô mon Dieu, vous connaît si grand, si infiniment aimable ! Quel martyre ne fut-ce pas pour lui de voir qu’il ne pouvait vous aimer autant qu’il désirait vous aimer ! de voir que vous n’étiez pas connu de toutes vos créatures, que vous n’en étiez pas aimé ; qu’au contraire, vous en étiez offensé ! Ô combien Louis aima-t-il sur la terre ! Et maintenant dans le ciel, il jouit de Dieu dans une grande plénitude d’amour. »

Ici la Sainte voyant que le bienheureux Louis priait pour ceux qui, pendant sa vie, l’avaient aidé dans les choses spirituelles, ajouta ces paroles : « Et moi aussi, je veux m’appliquer à aider les âmes : afin que si quelqu’une va au paradis, elle prie pour moi, comme fait Louis pour quiconque lui a été sur la terre de quelque secours. »

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Lettres de saint Louis de Gonzague, 10 juin 1591

Voici les deux dernières lettres rédigées par saint Louis de Gonzague à sa mère Marta Tana de Santena, grand saint du 16e siècle décédé à l’âge de 23 ans en soignant les pauvres malades de la peste. Son histoire mérite d’être connue. Nous recommandons la lecture de l’excellent ouvrage « vie de saint Louis de Gonzague » du père Virgile Cepari.

Première lettre

Quand Louis fut revenu du grand danger où il s’était trouvé au commencement de sa maladie, il écrivit deux lettres à la marquise, sa mère. Dans la première, après l’avoir consolée et exhortée à la patience dans les adversités, il ajoutait ces paroles :

« Il y a un mois que je fus sur le point de recevoir de Dieu Notre-Seigneur la plus précieuse des grâces, celle, comme je l’espérais, de mourir dans son amour : j’avais reçu le saint Viatique et l’extrême-onction. Mais la maladie s’est changée en fièvre lente. Les médecins ne savent pas quand elle finira ; ils sont tous occupés à me faire des remèdes pour rétablir ma santé corporelle, et moi, je prends plaisir à me persuader que Dieu Notre-Seigneur veut me donner une santé bien plus précieuse que celle que les médecins travaillent à me procurer.

Ainsi je vis content, et j’espère que dans quelques mois il plaira à Dieu Notre-Seigneur de m’appeler de cette terre des morts à celle des vivants, de la compagnie des hommes d’ici-bas à celle des anges et des Saints du ciel ; enfin de la vue des choses terrestres et périssables à la vision et à la contemplation de Dieu qui est le souverain bien. En cela vous pourrez trouver des motifs de consolation, puisque vous m’aimez et que vous souhaitez mon plus grand avantage. Je vous prie de prier pour moi, afin que, pendant le peu de temps que j’ai à naviguer sur cette mer du monde, le Seigneur daigne, par l’intercession de son Fils unique et de sa sainte Mère, noyer dans la mer Rouge de sa très-sacrée passion, toutes mes iniquités ; pour que, libre de mes ennemis, je puisse arriver à la terre de promission, voir Dieu et en jouir. »

Seconde lettre

La seconde lettre fut écrite peu avant sa mort, quand il eut appris par révélation le temps précis auquel il quitterait la terre pour le ciel. Voici comment il consolait la marquise :

« Madame et très vénérée mère en Jésus-Christ. Pax Christi.

Que la grâce et la consolation de l’Esprit-Saint soient toujours avec vous.

Votre lettre m’a trouvé encore vivant dans cette région des morts, mais prêt à partir pour aller à jamais louer Dieu dans la terre des vivants. Je croyais avoir à cette heure déjà fait le pas ; mais la violence de la fièvre, comme je l’ai déjà dit, ayant un peu diminué, je suis heureusement parvenu jusqu’au jour de l’Ascension. Depuis ce temps, un rhume a fait redoubler la fièvre ; de sorte que je vais peu à peu au-devant des doux et chers embrassements du Père céleste, dans le sein duquel j’espère pouvoir me reposer en sûreté et pour toujours. Et ainsi s’accordent les diverses nouvelles données à mon sujet, comme je l’écris encore au seigneur marquis (son frère Rodolphe). Or, si la charité, comme dit saint Paul, fait pleurer avec ceux qui pleurent, et se réjouir avec ceux qui sont dans la joie, votre consolation sera donc bien grande, ma très chère mère, pour la grâce que le Seigneur vous fait dans ma personne, me conduisant au vrai bonheur, et m’assurant contre tout danger de le perdre. Je vous avoue que je m’égare et me perds dans la considération de la bonté divine, mer immense, sans rivage et sans fond. Cette divine bonté m’appelle à un repos éternel après de bien légères fatigues. Elle m’invite du ciel à ce souverain bonheur que j’ai cherché si négligemment. Elle me promet la récompense du peu de larmes que j’ai versées. Prenez donc garde de faire injure à cette infinie bonté ; ce qui arriverait sûrement, si vous veniez à pleurer comme mort votre fils, qui doit vivre en la présence de Dieu, et qui vous servira plus par ses prières qu’il le ne faisait ici-bas.

Notre séparation ne sera pas longue, nous nous reverrons au ciel ; et unis ensemble pour ne plus nous séparer, nous jouirons de notre Rédempteur, nous le louerons de toutes nos forces, et chanterons éternellement ses infinies miséricordes. Je ne doute pas que, méprisant tout ce qu’inspirent la chair et le sang, nous ne donnions aisément accès à la Foi et à cette pure et simple obéissance que nous devons à Dieu, lui offrant librement et promptement ce qui lui appartient, et d’autant plus volontiers que ce qu’il prend nous est plus cher ; tenant pour certain que tout ce qu’il fait est bien fait, puisqu’en nous enlevant ce qu’il nous avait donné, c’est pour le mettre en lieu sûr et nous rendre ce que tous nous désirons davantage.

Je vous écris tout cela uniquement, par le désir que j’ai que vous, ma très-chère mère, et toute la famille, receviez ma mort comme une grande faveur. Que votre bénédiction maternelle m’accompagne et me dirige dans le passage de la mer de ce monde, et me fasse arriver heureusement au port de mes désirs et de mes espérances. Je vous écris avec d’autant plus de plaisir, qu’il ne me restait plus d’autres preuves à vous donner de mon amour et du profond respect que je vous dois.

Je finis en vous demandant de nouveau humblement votre bénédiction.

Rome, le 10 juin 1591.
Votre fils en Notre Seigneur très-obéissant, Louis Gonzague. »

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