Mémoires du Curé de Versailles – L’attitude des évêques

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre II – Les protestants
L’attitude des évêques

Il y a une chose qui fit au moins autant de peine au roi que tout ce qui s’était passé à l’égard des Religionnaires, qui était la diversité de conduite des évêques du royaume envers ces nouveaux convertis. Les uns souhaitaient qu’on employât contre eux toute la force et la puissance du Roi pour les contraindre de venir à l’église, d’entendre la messe, de se rendre assidus aux instructions, d’approcher des sacrements et même de celui de la Sainte Eucharistie ; les autres croyaient qu’on pouvait à la vérité les contraindre de venir aux instructions publiques, mais que, pour ce qui regarde la messe et la fréquentation des sacrements, on ne devait y employer que la voie des exhortations, de peur qu’en les forçant de communier on ne fît que des hypocrites et on ne les exposât à commettre une infinité de sacrilèges.

Des sentiments si différents qui étaient souvent rapportés au Roi lui faisaient de la peine avec beaucoup de sujets et donnaient lieu à beaucoup de plaintes et de murmures. Car ces nouveaux convertis voyant que dans les diocèses voisins on agissait avec ces nouveaux réunis avec patience et douceur et qu’on les traitait dans leurs diocèses d’une manière bien contraire, ils en murmuraient hautement ; ils approuvaient la conduite des pasteurs doux et modérés et condamnaient hautement la conduite des autres qui agissaient avec sévérité et quelquefois même avec une dureté qui les révoltait et leur donnait un grand éloignement pour l’Église.

Le Roi aurait bien désiré qu’on eût observé partout une conduite uniforme, mais il voyait que la chose était fort difficile à cause de cette variété de sentiments, d’autant plus que des évêques très vertueux et très zélés étaient partagés sur ce qu’on devait faire. Sa Majesté chercha néanmoins les moyens qu’il crut les plus propres et les plus efficaces pour apporter quelque ordre dans un point si essentiel à la religion.

Pour y réussir et venir à la fin qu’il s’était proposée, il fit écrire à tous les évêques et leur ordonna de mettre par écrit leurs sentiments et de les adresser à Mgr de Noailles, archevêque de Paris et ensuite cardinal. Cela fut exécuté très ponctuellement. Ce prélat, très zélé pour le bien de l’Église et avec lequel j’avais l’honneur d’avoir de grandes relations, ayant reçu tous ces mémoires, me les communiqua.

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Mémoires du Curé de Versailles – L’exode des ministres

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre II – Les protestants
L’exode des ministres

Le roi fut informé que la sortie des ministres causait beaucoup de maux dans son royaume, par de fréquentes lettres qu’ils nommaient pastorales, et qu’ils adressaient à leurs frères pour les consoler dans cette prétendue persécution et les fortifier dans leurs premiers sentiments. On faisait courir partout ces dangereux écrits qui faisaient de fâcheuses impressions sur les esprits des personnes faibles et très chancelantes dans la foi. On y découvrit cependant le venin de la plus horrible doctrine du monde, qui ne pouvait avoir été inspiré que par le prince des ténèbres, car on leur y marquait en des termes bien précis qu’ils pouvaient extérieurement faire profession de la religion catholique pour obéir au Prince et conserver dans le cœur les sentiments dans lesquels ils avaient été élevés et instruits.

Ces méchantes lettres produisirent l’effet que les ministres avaient prévu, car on s’aperçut bientôt de la profonde dissimulation et de l’exécrable hypocrisie avec laquelle ces nouveaux et mal convertis agissaient.

Cet événement donna lieu à beaucoup raisonner sur la conduite que le roi avait tenu à l’égard de ses ministres. On disait qu’il eût mieux valu pour le bien du royaume et pour procurer à ceux qu’ils avaient trompés en leur enseignant des erreurs les faire tous arrêter, les faire enfermer séparément dans les prisons ou citadelles et prendre le temps d’entrer avec eux en conférence sur les matières de religion, leur faire entendre qu’on ne leur rendrait la liberté que lorsqu’on serait pleinement convaincu de leur véritable conversion, que, s’ils en donnaient des marques ou des assurances, outre qu’ils jouiraient de la liberté qu’on leur avait ôtée, on leur ferait des pensions au moins aussi considérables et même beaucoup plus fortes que celles qu’ils avaient sur les biens de leurs consistoires ; on ajoutait que par ce moyen les ministres ou plusieurs d’entre eux étant parfaitement convertis, ils attireraient les peuples qui avaient été séduits par leurs discours à une conversion sincère.

J’entendais tous les jours à la Cour et ailleurs de pareils discours. Je me souviens en particulier qu’un jour, rendant une visite à feu M. de Harley, archevêque de Paris, il s’en expliqua en ces termes. Il fit comprendre la raison pour laquelle ils étaient de cet avis, car il protesta que le Roi ne lui avait pas demandé ses conseils sur cette affaire, ajoutant qu’il en aurait donné à Sa Majesté de contraires à ce qui avait été fait et surtout sur ce qui regarde les ministres, qu’il aurait, dit-il, souhaité qu’on n’eût pas laissé sortir du royaume. Je suis néanmoins persuadé qu’il ne parlait en ces termes que par la peine qu’il avait de n’avoir pas été consulté sur cette affaire qu’il croyait qu’on ne devait pas entreprendre sans sa participation, étant une affaire de religion ; car il était si courtisan et en avait si fort l’esprit et les manières qu’il était le premier en parlant au Roi de ce qu’il avait fait pour l’extirpation de l’hérésie en France de le louer plus qu’aucun autre de l’édit qu’il avait publié contre eux et en particulier sur ce qui regardait les ministres. Mais le Roi ne jugea pas à propos de le consulter, soit parce qu’il voulait tenir cette affaire très secrète, soit parce qu’il y avait déjà du temps qu’il n’avait ni estime pour ce prélat ni confiance en lui, à cause de sa conduite peu réglée.

On n’avait pas, ce me semble, sujet de censurer ce que le Roi avait ordonné, touchant l’expulsion des ministres de son royaume. Sa Majesté connaissait mieux que personne le génie, le caractère, la malice et l’opiniâtreté de ces prédicants. Il savait par une longue expérience que ces sortes de gens étant attachés par intérêt et par un misérable point d’honneur à défendre et soutenir un mauvais parti dans lequel ils étaient engagés dès leur naissance, ils avaient plus de peine que les autres à changer de sentiment, qu’ils avaient eu d’ailleurs tout le temps de faire de sérieuses réflexions sur ce qu’ils avaient à faire, puisque depuis plusieurs années ils avaient pu facilement prévoir qu’il était dans la résolution d’extirper entièrement leur hérésie. Ils avaient été sondés plusieurs fois de sa part sur leur changement, on leur en avait fait plusieurs fois la proposition, ils avaient vu d’un autre côté que le Roi traitait bien ceux d’entre eux qui par connaissance de cause étaient sincèrement rentrés dans l’Église, leur ayant donné de bonnes pensions ; enfin Sa Majesté était convaincue que, quand il les aurait tous fait arrêter, si quelques-uns eussent paru vouloir se convertir, leur abjuration n’aurait été que grimace et qu’ils auraient ensuite continué de répandre le venin de leur pernicieuse doctrine. Toutes ces considérations l’engagèrent à aimer mieux qu’ils se retirassent dans les pays étrangers que de les souffrir dans son royaume, dans lequel ils auraient fait des maux infinis et n’auraient pas manqué à la première occasion qui se serait présentée d’exciter des troubles et peut-être des révoltes et des séditions dans la France.

L’événement n’a que trop clairement justifié la conduite de notre Prince, puisque, malgré toutes les précautions qu’on avait prises et dans l’assurance qu’ils avaient qu’il faisait très mauvais pour eux de repasser dans le royaume, quelques-uns ont été assez téméraires pour y revenir en cachette et parcourir en habit déguisé les provinces pour soulever les peuples contre leur souverain et fortifier leurs frères dans leur opiniâtreté à ne se point rendre à la vérité et à la juste volonté de leur Prince.

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Mémoires du Curé de Versailles – Les deux jurades de Sainte-Foy-la-Grande

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre II – Les protestants
Les deux jurades de Sainte-Foy-la-Grande

Quoique je ne me sois pas proposé d’entrer dans un grand détail de toutes les affaires particulières, je ne puis m’empêcher d’écrire ici un fait qui regarde une des principales villes de mon diocèse, qui a été longtemps le boulevard de l’hérésie et qui s’est signalé par ses révoltes contre son souverain.

Sainte-Foy-la-Grande, située sur la rivière de Dordogne, à l’extrémité du diocèse d’Agen, avait toujours été considérée comme l’une des villes de la France la plus attaché aux dogmes et aux erreurs de Calvin. Dans le temps que cette infâme secte s’établissait dans le royaume, les habitants de cette ville, entendant parler de cette prétendue réforme qui admet en tout le joug de l’Évangile et retranche ce qui peut faire de la peine à l’homme sensuel, s’assemblèrent un jour en jurade, qui est le terme dont ils se servent en ces pays pour exprimer une assemblée de ville ; ils y délibérèrent sur le parti qu’ils avaient à prendre dans les conjonctures présentes. Leur délibération roulait à savoir s’ils persisteraient dans la profession de la religion catholique, apostolique, romaine ou s’ils embrasseraient la nouvelle et fausse religion : cette matière fut fort longtemps débattue ; on y dit les raisons de part et d’autre, et enfin il fut conclu à la pluralité des voix que toute la ville embrasserait le parti de Calvin. Il est étonnant qu’en moins d’une heure une ville toute catholique changeât si précipitamment de sentiments qu’en sortant de leur assemblée ces aveugles et insensés devinrent tout d’un coup hérétiques et, sans aucun examen ni preuves des dogmes de cette fausse religion, en furent les plus outrés défenseurs. Ils sortirent comme des furieux de leur jurade, qui fut à cet égard une vraie synagogue de Satan, allèrent abattre les églises, firent souffrir la mort aux prêtres qu’ils rencontrèrent, massacrèrent plusieurs religieux dont ils jetèrent les corps dans un puits et persécutèrent cruellement ceux qui voulurent persévérer dans la sainte religion de leurs pères, dont le nombre cependant fut très peu considérable en le comparant à celui de ceux qui se déclarèrent pour la nouvelle secte. Ce qui m’a donné occasion de faire en peu de mots le récit de cette histoire est que, lorsque le Roi eut donné cet édit par lequel il révoquait celui de Nantes et abolissait la religion protestante dans son royaume, les habitants de Sainte-Foy, exhortés par les missionnaires et pressés par les gens de guerre de faire leurs abjurations, demandèrent la permission de tenir une assemblée de ville ou leur jurade pour délibérer sur ce qu’ils avaient à faire, ce qui leur fut accordé.

Il y fut résolu par un consentement unanime qu’ils abjureraient les erreurs de Calvin et embrasseraient la religion romaine. Ce qui est à remarquer est que cette assemblée se tint le même jour que cent ans auparavant s’était faite celle par laquelle ils s’étaient eux-même retranchés volontairement de son sein, de sorte que, par jurade, ils s’étaient faits hérétiques et, par jurade, ils se firent catholiques. Le lecteur me pardonnera cette petite digression que j’ai cru utile pour connaître par les caractères de l’hérésie l’esprit des novateurs.

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Mémoires du Curé de Versailles – La révocation de l’Édit de Nantes

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre II – Les protestants
La révocation de l’Édit de Nantes

Les voyant ainsi sans ressources dedans et dehors le royaume, il prononça cet arrêt fatal à leur secte, par lequel il cassait le fameux Édit de Nantes sur lequel ils appuyaient leur confiance et leur espérance, ordonna en le faisant publier que tous les temples seraient abattus dans toute l’étendue de son royaume, dans lequel il ne voulait plus souffrir que la seule religion catholique, apostolique et romaine. Il défendit sous de très graves peines l’exercice de la religion prétendue réformée et sous peine de mort les assemblées et conventicules des religionnaires ; il commanda aux ministres dans un certain temps qu’il leur assigna de sortir de son royaume ou de faire abjuration de leurs erreurs.

Cet édit fut bientôt exécuté, car dès qu’il fut publié à Paris et dans les provinces, les catholiques qui en ressentirent la plus sensible joie qu’on puisse avoir détruisirent partout en peu d’heures tous leurs temples.

Le Roi fit envoyer partout des missionnaires pour instruire ses égarés ; mais en même temps il dispersa partout ses troupes pour les retenir dans le devoir et les obliger par la crainte de revenir à l’Église, leur mère. Il n’est pas ici question d’expliquer ou d’écrire dans le détail tout ce qui se passa dans l’exécution des ordres du Roi : si quelques-uns des officiers de guerre commirent des violences, ce n’était pas la faute de notre Prince, mais un effet de l’emportement de ces sortes de gens, qui pour l’ordinaire ne gardent pas beaucoup de mesure dans les expéditions de cette nature qui leur sont confiées. Ce qui est très certain est que plusieurs de ses hérétiques étaient retenus par une fausse honte ou par des considérations purement humaines dans cette fausse religion, qui furent ravis de trouver une porte honnête pour en sortir et pour faire profession de la religion catholique que leurs pères avaient abandonnée lâchement par un pur esprit de libertinage.

Le plus grand nombre des ministres sortirent du royaume et allèrent chercher des établissements dans les États des princes protestants ou calvinistes. On fit faire partout abjuration à ces dévoyés : les uns la faisaient sincèrement, mais il faut avouer que le plus grand nombre ne la faisaient que pour éviter d’être accablés par les gens de guerre, ou par une pure dissimulation. Il y en eut un nombre incroyable qui envoyant leur argent dans les pays étrangers s’y retirèrent, quoique partout on veillât sur les ports pour les arrêter quand ils s’y présentaient, ce qui ne les empêcha pas de tenter le passage et plusieurs y réussirent ; de sorte que le royaume souffrit beaucoup de la désertion de tant de peuple, par le dommage que tant de sommes considérables emportées hors de France y causa. Ceux qu’on arrêtait en voulant prendre la fuite étaient condamnés à la prison ou même aux galères ; on enfermait les jeunes filles et les femmes dans les couvents, ce qui en a fait convertir plusieurs.

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Mémoires du Curé de Versailles – Comme il était très facile de les trouver partout…

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre II – Les protestants
Comme il était très facile de les trouver partout dans quelque contravention…

Il commença de leur faire connaître ses sentiments, leur retranchant tout ce qu’il put des grâces que les rois, ses prédécesseurs, leur avaient accordées.

Il cassa les chambres de l’Édit et les réunit à ses parlements ; il écoutait volontiers les plaintes que les évêques lui faisaient de leurs manœuvre ; il ordonna qu’en chaque prêche un commissaire de sa part y assisterait pour examiner de près ce qu’ils diraient et pour les empêcher d’invectiver contre la religion catholique, ce qui faisait auparavant des points essentiels de leurs sermons. Lorsqu’ils s’échappaient dans des déclamations contre les articles de notre sainte religion, le Roi faisait fermer ou même détruire leur temple, faisait interdire le ministre qui avait mal parlé ou le bannissait de son royaume. Sur les plaintes des évêques qui représentaient à Sa Majesté que certains temples avaient été bâtis depuis le fameux Édit de Nantes ou qu’on y avait contrevenu en quelque point aux conditions sous lesquelles il leur avait été permis de construire, il ordonnait par de bons arrêts qu’ils seraient incessamment abattus, sans vouloir écouter sur cela aucune de leurs remontrances ; et comme il était très facile de les trouver partout dans quelque contravention, on voyait partout plusieurs de leurs temples fermés ou renversés. Il les privait de toutes les charges honorables ou des fonctions publiques, de sorte que ceux qui n’étaient pas nés gentilshommes ou n’avaient pas de grands biens se jetaient dans le commerce, qui était la seule chose qui leur était permise, ou embrassaient la profession des armes.

Ces traitements engagèrent plusieurs d’entre eux de sortir du royaume et de se retirer ou dans l’Allemagne parmi les protestants, on en Hollande et dans l’Angleterre, où la liberté de religion est entière, c’est-à-dire où on les souffre toutes parce qu’à dire vrai ils n’ont nulle religion par la diversité des sectes qui y sont établies.

Le Roi tint à leur égard cette conduite qui leur paraissait très rigoureuse jusqu’en l’année 1685. Il venait de donner la Paix à l’Europe après plusieurs conquêtes qu’il avait faites sur les alliés ennemis de son royaume : il crut que le temps était propre pour achever le grand dessein qu’il avait conçu dans son cœur de détruire entièrement l’hérésie dans tous ses États. Il se voyait si fort absolu dans son gouvernement qu’il était persuadé que personne n’eût osé ou n’eût pu contredire ouvertement à ses ordres ; d’ailleurs, ayant fait travailler efficacement à la conversion des plus grands seigneurs qui étaient nés dans l’hérésie et qui s’étaient enfin réunis à l’Église catholique, il savait qu’ils n’auraient pu trouver aucun chef qui eût eu le pouvoir ou la hardiesse de se mettre à leur tête.

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Mémoires du Curé de Versailles – Moi, je ne vous crains, ni je ne vous aime

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre II – Les protestants
Moi, je ne vous crains, ni je ne vous aime

La qualité que nous devions mettre la première comme étant la plus essentielle dans un prince chrétien et surtout dans un Roi de France qui porte le titre de Roi Très Chrétien est l’amour de la religion.

Louis XIV l’a possédé dans un degré très éminent. Il suça avec le lait une grande horreur contre l’hérésie et contre les hérétiques. Henri IV, né dans le sein de l’hérésie qu’il abjura ensuite très sincèrement, avait cru, par rapport à la situation de ses affaires et de l’état de son royaume, devoir ménager les hérétiques, et publia même en leur faveur ce fameux Édit de Nantes qui leur donnait la liberté de conscience et de professer tranquillement leur religion. Louis XIII avait eu souvent occasion de leur faire la guerre, il les avait réduits à ne plus se révolter, surtout depuis la prise de La Rochelle. Ce prince, qui avait beaucoup de religion, aurait bien souhaité détruire entièrement l’hérésie dans la France, mais il lui fut impossible d’entreprendre une si grande et si épineuse affaire : le nombre des prétendus réformés était si prodigieux dans ses États, ils étaient si forts appuyés par plusieurs grands seigneurs de la Cour qui étaient de leur secte et si bien soutenus par les princes protestants que ce Roi voyait bien que ce serait troubler de nouveau la paix de son royaume, qu’il avait eu tant de peine à procurer, que d’entreprendre cette affaire. Il fit de son côté ce qu’il put pour les resserrer dans les plus étroites bornes qui lui fût possible par plusieurs édits qu’il fit contre eux, et en veillant et faisant exactement veiller sur leur conduite, de peur qu’ils n’entreprissent rien contre l’État, l’expérience ayant fait remarquer dans tous les temps que ceux qui se sont révoltés contre Dieu et contre son Église sont fort portés à secouer le joug de leurs souverains.

Quand nous n’en aurions point d’autres exemples que les domestiques, nous n’en serions que trop convaincus, n’étant presque pas croyable combien de maux, de séditions, de guerres, de soulèvements, de meurtres ils ont causés dans le royaume depuis le règne de François 1er jusqu’au temps que leur religion a été entièrement abolie dans la France.

Le Roi, pénétré de cette vérité, avait dès son enfance conçu le dessein de bannir absolument de ses États cette dangereuse secte. Ceux qui en faisaient profession s’aperçurent bientôt de cette disposition du prince à leur égard, et ils s’attendirent à toutes sortes d’événements pendant tout le cours de son règne. Ils ne se trompèrent pas dans leurs pensées, et ils éprouvèrent bientôt les effets du zèle du Roi pour la religion catholique romaine et de l’aversion qu’il avait pour leur prétendue réforme.

Le sieur Ruvigny, gentilhomme de distinction, très zélé partisan de cette maudite secte, né avec les préjugés qu’une fausse religion a coutume d’inspirer à ceux qui l’embrassent, avait été choisi par leurs consistoires pour être leur agent général à la Cour. Cette qualité lui donnait assez souvent la facilité de parler au Roi en faveur de ses frères. Un jour, lui représentant qu’en bien des endroits ils souffraient beaucoup de la part des catholiques et que les édits de pacification n’étaient pas exactement observés comme ils l’étaient pendant le règne de Louis XIII, son père, et d’Henri IV, son aïeul, le Roi lui répondit dans son style précis ce peu de mots :

« Le Roi, mon grand-père, vous a aimé et le Roi, mon père, vous a craint. Mais moi, je ne vous crains ni je ne vous aime. »

C’est cette disposition de cœur que ce prince a fait éclater pendant tout le temps de son règne.

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Mémoires du Curé de Versailles – Le Roi

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
Le Roi

Nous ne devons rien dire d’aucun particulier que nous n’ayons en général dit en peu de mots ce que nous savons du Roi par rapport à ses qualités, ayant eu tout le temps de les connaître et de les apprendre.

Ce prince, de l’aveu même de tout le monde, est né avec des qualités très éminentes, capables de le faire distinguer de tous les rois qui avant lui avaient porté la couronne en France. Il est d’une taille fort haute et très bien proportionnée, il a six pieds de hauteur ou peu s’en faut, gros à proportion de sa grandeur, les épaules larges, la jambe bien faite, le visage très majestueux, le nez aquilin, les yeux assez vifs, le poil châtain, les lèvres de dessous un peu avancées depuis qu’il n’a plus de dents, la mine et le regard sérieux qui imposent et impriment du respect à ceux qui le voient et qui ont l’honneur de l’approcher, la voix un peu faible mais agréable ; sa démarche ferme et assurée qui, dans les occasions, représente mieux par son air grave et modeste que tous les souverains qui règnent aujourd’hui ; toute sa personne paraît si respectable et on y remarque je ne sais de quoi de si grand que ceux qui ne l’ont jamais vu, lorsqu’il se trouve au milieu de ses courtisans, le distinguent facilement de tous les autres. Il n’aime pas beaucoup à être vêtu magnifiquement, ses habits étant toujours assez modestes, et, lorsqu’il est obligé d’en prendre de très riches dans de certaines occasions ou cérémonies, il les quitte dès qu’elles sont finies.

Il parle fort peu en public et, lorsqu’il le fait, c’est en des termes précis, pleins de sagesse et de prudence, personne n’ayant mieux que ce prince employé le style laconique qui dit beaucoup de choses en peu de mots. Il paraît toujours égal dans quelque temps qu’on le trouve, ou qu’on ait à lui proposer des affaires, ou qu’il ait à donner des ordres, égalité qu’il conserve au milieu de tous les événements, de quelle que nature qu’ils puissent être, soit heureux ou malheureux. On ne le voit jamais rire d’un ris immodéré ; quoiqu’il ne soit pas d’un naturel mélancolique, il a toujours su prendre beaucoup sur lui, ce qui le fait paraître en toutes occasions d’une égalité parfaite, en sorte que, par son extérieur, on ne peut comprendre si ses affaires ont réussi ou si elles ont eu quelques fâcheux succès. Ainsi les courtisans, qui sont gens à étudier de plus près les inclinations et les pensées des grands, se trompent souvent dans leurs vues et les idées qu’ils se forment de l’état des affaires sur l’extérieur du Roi qui ne se laisse point pénétrer ni découvrir.

Il est d’un secret à toute épreuve, on peut tout lui confier sans la moindre crainte qu’on sache jamais de qui il a appris ce qu’on lui a dit à l’oreille. Il m’arriva qu’un jour, étant chez Mme de Maintenon, il me fit l’honneur de me demander quelque chose. J’avais quelque peine de la dire, parce qu’elle demandait un grand secret ; cependant, voyant bien que pour bien des raisons je ne pouvais rien dissimuler à mon prince, je pris la confiance de le supplier très humblement de me garder le secret. Il se mit à sourire et me dit avec un air de bonté :

« Monsieur le curé, il y a longtemps que je suis accoutumé au secret que je n’ai nulle peine d’observer très inviolablement. »

Après m’être excusé de la précaution que j’avais cru devoir prendre, je satisfis sans peine et avec beaucoup d’ouverture de cœur aux questions qu’il m’avait faites.

Ce que le Roi me dit de sa facilité et de sa religion à garder le secret était généralement connu de tous ses sujets et des étrangers. On ne pouvait l’entamer sur quelque chose que ce pu être ; les ambassadeurs des princes qui étaient en sa Cour pour les affaires de leurs maîtres ne pouvaient rien découvrir de ses desseins et de ses projets ; souvent ils ont été trompés en voulant deviner ce qu’il était résolu de faire ; il pensait quelquefois à la guerre dans le temps qu’ils se persuadaient que leurs princes pouvaient se flatter de jouir de la paix et, dans le temps même qu’il faisait de grands préparatifs sur mer et sur terre, ils ne pouvaient comprendre sur qui tomberait l’orage dont on était menacé.

Ceux qui, dans ces temps-là, avaient l’honneur d’être de son conseil avaient la même précaution sur tout ce qui y était résolu. L’exemple du Roi les avait rendus impénétrables même à leurs meilleurs amis ; il était inutile de les tenter ou de les engager de parler ; on ne pouvait rien apprendre par leur moyen et on ne savait les choses que dans l’exécution des ordres qu’on ne pouvait plus tenir secret : ainsi on était presque toujours surpris de ce qui arrivait, parce que souvent ce qui se faisait était ce à quoi on avait le moins pensé et ce qui était très difficile à prévoir. Il aurait été à désirer que, dans la suite des temps, ce secret eût été toujours ainsi inviolablement observé de la part de tous ceux qui ont eu part aux affaires publiques de l’État.

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Mémoires du Curé de Versailles – Les moeurs de Monsieur

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
Les mœurs de Monsieur

Mais ce qui est de plus horrible et qui fait même beaucoup de peine à écrire est que le désordre n’ayant point de borne, les crimes les plus abominables et les plus opposés à la nature et au bien de la société, ces crimes, dis-je, punis autrefois par le feu du ciel et dignes selon les lois d’être réprimés et châtiés par les flammes, étaient devenus communs. On parlait de ces sortes d’exécrables engagement entre les libertins de profession, comme s’ils eussent parlé d’une galanterie entre homme et femme ; on connaissait cet épouvantable dérèglement comme on avait connaissance des affaires les plus publiques ; on ne s’en cachait qu’autant qu’on pouvait avoir quelque appréhension que cela pût venir aux oreilles du Roi, qu’on savait avoir une horreur extrême de cet infâme péché. Je fus obligé quelquefois pour en arrêter le cours et pour remédier à quelques désordres criants de cette espèce, de me servir du nom de Sa Majesté pour intimider les coupables.

Il est vrai, car il faut tout dire, que j’aurais fort désiré que le Roi eût agi avec fermeté pour s’opposer à ces détestables vices ; j’eus à cette occasion un fort long entretien un jour avec Mme de Maintenon, qui était parfaitement instruite de ce qui se passait sur cet article : je lui représentai le plus fortement qu’il me fut possible l’obligation dans laquelle je la croyais être d’en parler au Roi et de le porter efficacement à employer toute son autorité pour empêcher une si épouvantable corruption. Elle me dit l’avoir fait plus d’une fois.

« Mais, madame, lui répliquai-je, le Roi n’a-t-il pas été sensiblement touché de vos raisons, et Sa Majesté ne peut-elle pas prévoir que de pareils crimes sont capables d’attirer sur son royaume toutes sortes de maux et la vengeance de Dieu, qui ne les laisse jamais impunis ?
– Je lui ai dit, me répondit cette dame, et un jour que je le pressais d’y mettre ordre, il me répliqua : il faut donc que je commence par mon frère. »

Elle m’ajouta que c’était la considération qu’il avait pour ce prince qui l’arrêtait. Mais je ne balançai pas de lui marquer, comme j’y étais obligé par mon ministère, que devant Dieu cette raison ne devait pas arrêter le Roi de remédier promptement à un si effroyable désordre et qu’il devait le corriger dans son propre frère comme dans tous les autres sujets ; j’ajoutai même que Sa Majesté en lui parlant fortement ferait par cet exemple trembler les coupables et qu’enfin de n’y point s’y opposer, c’était en charger sa conscience.

Tel fut l’entretien que j’eus pour lors avec cette dame ; le mal ne cessa point ; un prince de la maison de Lorraine entretint toujours ce prince dans les mêmes engagements, et l’un et l’autre moururent enfin de la manière du monde la plus tragique, l’un d’apoplexie qui lui ôta les moyens de recevoir les sacrements et l’autre, par une impiété insigne, dont il avait fait profession pendant toute sa vie, les refusant absolument.

Voilà en abrégé la situation où je trouvai la Cour quand j’y arrivai. Il faut maintenant voir un peu plus en détail ce qui s’y est passé pendant un assez grand nombre d’années que j’y ai demeuré, en commençant à parler des personnes les plus distinguées ou qui y ont été le plus en faveur.

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Mémoires du Curé de Versailles – La fidélité conjugale, vertu roturière

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
La fidélité conjugale, vertu roturière

Il est aisé de juger que cette espèce de débauche en attire une autre beaucoup plus considérable : je veux parler de l’impureté. On ne peut dire jusqu’où cette passion en a porté plusieurs, tant le dérèglement a été affreux et presque incroyable. L’excès en était si horrible que c’était une espèce de proverbe à la Cour, lorsqu’on y voyait un seigneur bien vivre avec sa femme, être ensemble de quelque partie innocente, se promener de compagnie, aller dans un même carrosse, qu’ils vivaient « à la bourgeoise ».

Une dame de grande qualité étant pour lors assez âgée et qui avait vécu à peu près comme on vivait de son temps à la Cour, séparée de son mari, étant revenue de ses égarements et pensant sérieusement à la mort et à sa conscience, m’entretenait un jour de cette étrange manière de vivre, de parler et de penser qui avait été en usage à la Cour. Elle m’avoua qu’elle-même avait donné grossièrement dans ce travers, qui était du bon air en ce temps. Étant dans le carrosse du Roi et voyant passer M. le duc de Chevreuse et Mme la duchesse, son épouse, qui étaient dans le leur, elle dit d’un air railleur à sa majesté :

« Voyez, Sire, M. le duc et Mme la duchesse qui vivent à la bourgeoise. » Je lui fis comprendre le mauvais de pareils discours et encore plus la malignité et les suites funestes de ces sortes de sentiments : elle en fut si convaincue et eut une si grande honte de ce qu’elle avait dit et pensé en ces occasions que peu de jours après, s’étant fait porter chez le Roi, comme elle était accoutumée de lui parler assez familièrement, elle ne feignit point de lui demander pardon d’avoir parlé de la manière que j’ai rapportée. Le Roi prit fort bien ce qu’elle lui dis ; il était alors fort revenu de tous les commerces qu’il avait eus avec les femmes.

On peut s’imaginer aisément que des personnes qui regardaient comme une vertu roturière l’attachement que des personnes mariées avait l’un pour l’autre tombaient dans toute sorte de libertinage : je ne crois pas que sous un autre règne il ait pu aller plus loin. Ces hommes d’un esprit fort, comme ils le croyaient, qui pensaient qu’il y avait de la petitesse d’âme de s’attacher à leurs femmes, avaient la bassesse de cœur de lier de mauvais commerces ou avec des créatures de la lie du peuple, ou avec des prostituées, ou avec des comédiennes et des filles de l’Opéra. C’était une chose publique qu’on connaissait beaucoup plus ces malheureuses lorsqu’elles paraissaient sur le théâtre par leurs intrigues avec quelques seigneurs de la Cour que par leur propre nom. Dès qu’il y en avait une nouvellement reçue, elle n’était pas longtemps sans trouver une pareille fortune. Ces sortes de commerce ruinaient entièrement les affaires des familles de ceux qui avaient assez de lâcheté et de bassesse d’âme pour s’attacher à ces personnes, très méprisables pour leur naissance et encore plus par leur profession. Ainsi voyait-on avec douleur que ces jeunes seigneurs refusaient à leurs femmes ce qui leur était nécessaire pour leur entretien, ne payaient point les dettes de leur maison et empruntaient des sommes considérables à tous ceux qui voulaient bien leur prêter pour fournir toujours à ces gueuses qui, profitant de la passion de ces débauchés, demandaient sans cesse et s’enrichissaient en peu de temps. On les voyait avec horreur être vêtues comme des princesses, avoir des meubles très magnifiques, des trains superbes, de belles maisons à la ville et à la campagne que leurs galants leur achetaient, amasser du bien, se faire des revenus, en un mot profiter autant qu’elles le pouvaient de leurs crimes et entasser chez elles les dépouilles des plus grandes maisons du royaume, et vérifier aux yeux de tout le monde ce que le Saint-Esprit a dit dans les Écritures : « que la femme de mauvaise vie est une fosse profonde dans laquelle on jette toujours et qu’on ne peut jamais remplir. »

Ce désordre des jeunes courtisans était limité par ceux que leur âge et leur rang en devaient par honneur le plus éloigner. Ils eurent même assez de malignité et d’adresse, pour faire autoriser par un exemple éclatant leur détestable conduite, d’engager le premier prince après le roi dans un commerce public avec une comédienne, de laquelle il eut des enfants. Ce dérèglement si affreux, comme un torrent impétueux que nulle digue ne peut arrêter, se répandit dans tout le royaume, et le débordement devint presque général, principalement dans les grandes villes où on se fait une espèce de gloire d’imiter ce qui se passe à la Cour. On n’entendait parler partout que de séparations de maris avec leurs femmes, d’adultères, de libertinages, de débauches.

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Mémoires du Curé de Versailles – L’ivrognerie à la Cour

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
L’ivrognerie à la Cour

Cette application au jeu a été la cause d’un autre dérèglement infiniment nuisible à toutes les familles de la Cour et par contre-coup à tout le royaume. Comme on ne pensait qu’à se divertir, on négligeait absolument l’éducation des enfants, défaut qui est la source de toutes sortes de malheurs. J’ai souvent conversé avec des seniors et des dames de la Cour du feu roi Louis XIII, qu’on appelait l’ancienne Cour, qui, me parlant de ce qui s’y passait de leur temps, me disaient qu’il y avait entre l’une et l’autre une différence entière : c’était principalement sur ce qui regardait l’éducation des jeunes seigneurs et des demoiselles de qualité dont on me voulait parler. Ces personnes remarquaient en particulier que, pourvu qu’on apprît en ce temps-ci à de jeunes gens les exercices qui conviennent à leur naissance, on se persuadait leur avoir enseigné suffisamment tout ce qu’ils devaient savoir, qu’on se mettait d’ailleurs peu en peine qu’ils devinssent honnêtes gens, qu’on donnait à un garçon des gouverneurs dont on ne connaissait ni la conduite ni les mœurs et aux filles des gouvernantes dont souvent la vertu était fort médiocre, qu’aussi on ne reconnaissait plus en ces jeunes personnes de la Cour cette politesse qui y régnait autrefois, qu’on voyait au contraire en eux un esprit badin et des manières très libres, sans aucun égard pour le sexe, l’âge et le rang des personnes.

Combien de fois ai-je été le triste témoin de la vérité de ce que ces personnes sages me disaient, ce qui en plusieurs occasions m’a obligé de condamner en public le peu de soin qu’on se donnait à la Cour de l’éducation de la jeunesse ! J’en ai connu plusieurs qui, dans un âge très peu avancé, étaient déjà dans des dérèglements affreux. Je n’en étais pas surpris, on ne veillait point sur leur conduite, ils avaient dans leurs familles des exemples domestiques de la vie du monde la plus dissipée ; ils ne trouvaient au-dehors que des libertins qui, par leurs discours et par leurs actions, les entraînaient dans la débauche. Aussi je puis dire avec une très exacte sincérité que je ne crois pas qu’il y eût dans le monde une Cour plus abandonnée à toute sorte de vices.

La mauvaise éducation qu’on avait donnée à ces jeunes personnes éclatait bientôt par les dérèglements les plus affreux. S’ils n’osaient pas se déclarer si ouvertement à Versailles ou dans les endroits où le Roi demeurait, ils couraient à Paris, où il n’y avait point d’excès, quelque abominables qu’ils fussent, qu’ils n’y commissent. Les moins considérables, qui cependant sont si honteux, surtout aux personnes de qualité, étaient de passer les nuits entières à boire. Les vins les plus exquis ne suffisaient à leurs débauches ; après s’en être remplis, ils buvaient toute sorte de liqueurs capables de nuire infiniment à leur santé. Il fallait tous les jours en inventer de nouvelles espèces ; on ne se contentait pas des communes, on en composait qui étaient si brûlantes qu’il n’en aura fallu prendre que quelques gouttes pour en sentir promptement les effets : cependant ils les buvaient à longs traits et en faisaient un usage ordinaire.

Aussi les voyait-on en peu de temps ruiner leur tempérament sans ressources. J’en ai vu plusieurs qui, dans la fleur de la jeunesse, devenaient sujets à des maladies incurables, tomber dans les phtisies (tuberculoses), devenir étiques (squelettiques), vivre dans des langueurs extrêmes et mourir misérablement. Ç’a été là une des plus funestes sources de tant d’apoplexies (une sorte d’accident vasculaire cérébral) qui sont arrivées de nos jours ; on n’avait pas sujet de dire, comme je l’ai entendu souvent raconter à plusieurs, que des accidents autrefois si rares et devenus si communs dans notre temps ne pouvaient venir que du poison. Car, s’il est vrai que quelques-uns ont été emportés par une mort si cruelle, il n’est pas moins véritable que le plus grand nombre de ceux qui ont péri d’une manière si précipitée ne venait que des débauches excessive auxquelles ils s’abandonnaient sans aucun ménagement.

Ce qui sur cet article est plus étonnant est que les dames de la Cour, et particulièrement les jeunes, imitaient une conduite si déraisonnable, si contraire à la modestie de leur sexe. Ce qui alla si loin que tous les jours on s’y entretenait des excès qui étaient arrivés, on n’y entendait dire autre chose que des historiettes de ces jeunes personnes qui s’étaient enivrées et qu’on avait remportées dans leur appartement dans un état qui est même très humiliant à des gens de la lie du peuple. Quand je parle ici des dames de la Cour, je ne parle pas en général, car ce dérèglement ne regardait que quelques-unes en particulier qui y étaient assez connues sur ses pieds et dont la charité et la prudence m’empêchent de mettre leurs noms par écrit.

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L’invincible bonté de saint François de Sales

Nous connaissons hélas trop peu la vie de saint François de Sales même si ses écrits sont encore largement diffusés de nos jours. Nous allons donc publier dans cet article quelques extraits édifiants de sa vie. Nous donnerons certainement une suite à cet article tellement la vie de saint François de Sales fut utile pour nous.

Vie de saint François de Sales, édition abrégée, Lecoffre, chapitre III, page 103

« Ce grand courage, qui le rendait supérieur à tous les obstacles, avait sa source principale dans le saint sacrifice de la messe ; c’était là qu’il puisait chaque matin une force nouvelle. Ainsi tenait-il à l’offrir tous les jours ; et, comme la chose ne pouvait se faire encore dans Thonon, il traversait tous les matins la rivière de la Drance pour aller offrir dans l’église Saint-Étienne, au bourg de Marin, où le culte catholique s’était conservé. Mais, au mois de janvier 1596, une arche du pont construit sur cette rivière ayant été emportée par la crue extraordinaire des eaux à la suite de la fonte des neiges, il n’eut plus d’autre moyen de passage qu’une longue pièce de bois jetée provisoirement d’une arche à l’autre pour l’usage des gens de pied : cette difficulté ne l’arrêta pas, et il continua d’aller chaque jour à Marin. Peu après, de nouvelles neiges étant survenues, suivies d’un froid très-vif, la planche se trouva tellement couverte de verglas, qu’on ne pouvait y passer sans un danger évident pour sa vie : cette difficulté, bien autrement grave, ne l’arrêta pas davantage. On eut beau lui représenter qu’il valait mieux s’abstenir de la messe pour quelque temps que d’exposer ses jours dans un passage si périlleux ; l’importance qu’il attachait à l’offrande du saint sacrifice, le désir de convertir quelques hérétiques de Marin et d’encourager ceux qu’il avait déjà convertis l’emporta dans son esprit sur toute autre considération : chaque jour le vit, se traînant sur le ventre à l’aide des mains et des pieds, passer la planche glacée au-dessous de laquelle étaient des précipices affreux, et la repasser de même au retour avec cette intrépidité calme et humble qu’inspire un amour plus fort que la mort. »

Vie de saint François de Sales, édition abrégée, Lecoffre, chapitre III, page 105

« Quelquefois, il ne venait que peu de monde dans cette église pour profiter de son ministère, mais il y mettait le même intérêt que s’il y avait eu une grande multitude. Un jour qu’il ne se trouvait que sept personne pour le sermon, on lui représenta qu’il ne devrait pas se donner la peine de prêcher pour si peu d’auditeurs.

« Je suis redevable de l’instruction, répondit-il, à un petit troupeau comme à un grand ; et, quand il n’y aurait qu’une personne qui pût en profiter, c’en serait assez pour m’obliger à prêcher. »

Il prêcha donc, et il prit pour sujet de son discours l’invocation des saints avec le culte des reliques et des images. Pendant qu’il parlait, établissant solidement la vraie doctrine sur cette matière, et faisant disparaître par des explications claires les objections des hérétiques, voilà que tout à coup un des auditeurs, le procureur de Thonon, récemment converti à la foi catholique, éclate en soupirs et en sanglots, pousse les cris douloureux d’un homme tout en pleurs. François, qui en ce moment parlait le langage simple de l’instruction familière, sans rien dire qui fût propre à émouvoir et faire couler les larmes, ne peut imaginer d’autre cause de cette scène, sinon que cet homme se trouve mal. Il s’arrête donc, s’offre à lui porter secours s’il en a besoin, et à suspendre l’instruction. « Non, mon père, reprends le procureur, continuez, je vous prie, à prêche ; votre sermon est précisément le remède qu’il me faut. »

À peine le discours fut-il fini, que cet homme vint se jeter aux pieds du saint en criant à voix haute : « Monsieur le prévôt, monsieur le prévôt, vous m’avez rendu la vie ; vous avez sauvé mon âme aujourd’hui ! Bénie soit l’heure où je vous ai entendu ! Cette heure me vaudra une éternité. »

Il raconta ensuite devant tous les auditeurs qu’un ministre protestant lui ayant fait croire que le culte des saints était une idolâtrie, il s’était engagé à abjurer le catholicisme pour la seconde fois le jeudi suivant ; qu’étant venu à l’église dès qu’il avait entendu sonner le sermon, et n’y ayant trouvé que quelques pauvres paysans, il avait dit dans son cœur : « Si monsieur le prévôt ne prêche que pour Dieu, il fera tout de même une instruction ; mais s’il prêche pour sa propre gloire, il dédaignera un si petit auditoire, ne prêchera point, et ce me sera une preuve qu’il n’est qu’un charlatan qui débite des mensonges ; qu’en conséquence il avait été très édifié de le voir prêcher avec le même zèle que s’il y avait eu le plus brillant auditoire ; que cette instruction l’avait pleinement détrompé ; qu’il détestait du fond du cœur son engagement avec le ministre [protestant], et protestait obéissance et soumission parfaite à l’Église romaine. »

Trait frappant que le saint aimait à raconter dans la suite, pour prouver qu’on ne doit pas s’abstenir de prêcher, quelque petit que soit le nombre des auditeurs. »

Vie de saint François de Sales, édition abrégée, Lecoffre, chapitre III, page 108

« Tant de travaux obtinrent de nouveau succès, et François, qui, au carême de l’année précédente, n’avait eu que si peu d’auditeurs, eut, au câreme de cette année (1596), un auditoire vraiment nombreux.
« Un champ plus vaste et plus consolant, écrivit-il alors à son ami le sénateur Favre, s’ouvre devant nous pour la mission chrétienne à laquelle nous travaillons ; et peu s’en est fallu hier que le baron d’Avully et les syndics de la ville ne vinssent publiquement à mon sermon, parce que, informés que je devais prêcher sur l’Eucharistie, ils brûlaient du désir d’entendre les raisons des catholiques sur ce mystère ; mais ceux qui n’ont pas osé venir publiquement à raison de la loi qu’ils s’étaient imposée m’ont entendu d’un lieu secret. »

Le Saint missionnaire, profitant de cette disposition des esprits, crut devoir provoquer les ministres [protestants] de la contrée à une conférence publique, afin que, s’ils refusaient d’entrer en lice, tout le monde fût convaincu qu’ils sentaient leur faiblesse ; et en conséquence il annonça que, dans le sermon suivant, il prouverait par les saintes Écritures la vérité de la doctrine catholique avec une telle évidence, qu’il défiait tous ses adversaires de pouvoir, après l’avoir entendu, ne pas avouer qu’ils ont été jusqu’à présent dans une erreur grossière.

Le ministre [protestant] qui résidait alors à Thonon était Louis Viret, homme plus artificieux que savant, et dont le principal talent consistait dans l’art de tromper les âmes simples et sans défiance. Au lieu de répondre au défi public du prévôt [saint François de Sales], il trouva plus facile de parler avec un souverain mépris de ces prédications et de le décrier tant en public qu’en particulier :
« Défiez-vous, disait-il, de son vain étalage de science : il n’est qu’un sophiste, et son seul mérite est de connaître assez bien les figures de la rhétorique.
– Mais, lui répondait-on, pourquoi ne le confondez-vous pas en réfutant ses raisons ? Il assure hautement que ses preuves sont invincibles, et qu’il défie d’y rien répondre de raisonnable ; il se vante qu’aucun ministre n’ose entrer en conférence avec lui, et on conclut que vous sentez que votre cause est mauvaise. Si vous ne pouvez vous défendre, nous ne voulons plus vous croire : votre silence vous convainc d’être un docteur d’erreur et de mensonge. »
Le ministre, piqué jusqu’au vif de ses discours que répétaient toutes les bouches, et ne sachant quel parti prendre, convoqua une assemblée générale des ministres [protestants] du Chablais et du pays de Vaud, pour aviser à ce qu’il convenait de faire dans une circonstance si critique. Le résultat de la délibération fut qu’il fallait essayer d’intimider ce défenseur du papisme en lui proposant une conférence publique où il aurait à se mesurer, seul, contre tous les ministres rassemblés. Mais grand fut leur étonnement quand le ministre député pour porter ce défi au prévôt vint leur apprendre qu’il avait accueilli la proposition avec transport, comme la plus agréable des nouvelles ; qu’en conséquence il avait fallu s’engager de part et d’autre et déterminer le jour et le lieu de la réunion. Poussés ainsi à bout, ils tinrent plusieurs conférences pour régler les matières qu’on traiterait dans la dispute. On voulut commencer par la profession de foi, c’est-à-dire la déclaration des points de doctrine dont ils regardaient la croyance comme nécessaire au salut : car on s’attendait bien que ce serait là la première demande que ferait le prévôt, et il n’y avait pas moyen de tergiverser sur cette question. Mais, quand on essaya de préciser les articles de foi, on ne put jamais s’accorder : ce que croyaient les uns était rejeté par les autres ; autant de ministre, autant d’opinions ; il fallut renoncer à faire une profession de foi commune. »

Vie de saint François de Sales, édition abrégée, Lecoffre, chapitre III, page 111

Personne ne fut dupe de ces faux-fuyants ; tous comprirent que les ministres ne se sentaient pas de force à entrer en lice avec l’athlète de la foi romaine ; ce qui affermit les catholiques dans leurs croyances, fit rougir les hérétiques de la lâcheté de leurs chefs, inspira une meilleure opinion de la vraie doctrine et disposa les esprits à l’embrasser. Plusieurs même demandèrent au saint apôtre des conférences particulière sur la religion ; et il s’y prêta avec bonheur, estimant ces tête-à-tête incomparablement plus utiles pour la conversion que les disputes publiques :
« Dans celles-ci, disait-il, on s’échauffe de part et d’autre, et, lors même qu’on réussit à confondre l’hérétique, le seul fruit de sa confusion est une aigreur, un dépit qui se soulève dans son cœur et rend sa conversion plus difficile ; au lieu que, dans la conférence particulière et secrète, l’amour-propre n’ayant rien à souffrir de la défaite, on agit plus efficacement sur l’âme. »

Il en était en effet très peu dont il ne triomphât dans ces entrevues privées, éclaircissant avec bonté tous leurs doutes, résolvant avec précision toutes leurs difficultés, et leur parlant non comme un adversaire plus en peine de la victoire que de la vérité, plus jaloux de justifier son raisonnement que de persuader sa créance, mais comme un ami, comme un père uniquement préoccupé de leur bonheur. Du nombre de ces heureux visiteurs fut une dame avancée en âge ; elle venait jusqu’à trois et quatre fois le jour redire, dans de longues séances, les mêmes difficultés qu’elle noyait en un flux de paroles sans fin ; et toujours François lui faisait l’accueil le plus gracieux, la laissait parler tant qu’elle voulait et répondait à tout sans témoigner ni impatience ni humeur de ses éternelles redites ; enfin il l’amena au point qu’il ne lui restait plus qu’une difficulté dans l’esprit, celle du célibat des prêtres. En vain il lui exposait les excellentes raisons de ce point de discipline, toujours elle répliquait sans vouloir rien entendre :
« Vous avez beau dire, c’était à l’Église romaine une tyrannie odieuse d’imposer un joug si dur à ses ministres.
– Mais enfin, ajouta le saint apôtre, si les prêtres avaient une famille, comment auraient-ils le temps de rendre au public les services que réclame leur ministère ? Moi-même, madame, si j’étais marié, chargé du soin temporel d’une maison, redevable de mon temps à une femme et à des enfants, aurais-je pu recevoir aussi fréquemment nos visites et employer chaque fois un temps si long à résoudre vos difficultés ? »

Ce fut-là pour la dame comme un trait de lumière ; cette raison triompha de son obstination ; elle reconnut l’utilité du célibat ecclésiastique et abjura ses erreurs. »

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Mémoires du Curé de Versailles – L’honneur, l’argent… et la dévotion

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
L’honneur, l’argent… et la dévotion

Un gentilhomme de Provence, chargé de la commission de faire réussir une affaire qui pouvait être très avantageuse à une des plus considérables villes de cette province, se rendit à la Cour pour obtenir du contrôleur général la grâce qu’elle demandait. On lui avait promis 12 000 livres, s’il pouvait faire réussir cette affaire ; mais comme il n’avait pas de relations à la Cour et qu’il apprit que sans patrons il est difficile d’avoir d’heureux succès dans ces sortes d’affaires, il s’informa le plus exactement qu’il put quelles étaient les dames les plus accréditées et les plus en faveur auprès de ce ministre. On lui nomma celle dont je parle : on la connaissait infiniment avide d’argent et prête à employer son nom et son crédit pour en avoir. Il s’adressa à elle, il ne fit point de façon de lui avouer qu’on lui avait promis 12 000 livres, s’il pouvait réussir dans son entreprise. Elle lui promit toute sorte de protection, mais auparavant elle voulut être la dépositaire du billet de la somme promise par la ville et fit ensuite un traité particulier avec ce gentilhomme, par lequel elle s’engageait, moyennant 6 000 livres, de travailler à cette affaire et de la faire réussir comme on le souhaitait ; comme elle était dépositaire du billet de 12 000 livres, elle lui fit un de 2 000 écus aux conditions ci-dessus exprimées.

Elle n’eut pas de peine d’obtenir ce qu’on avait désiré. Non seulement elle en eut toutes les assurances de la part du ministre, mais même elle lui fit expédier tous les ordres nécessaires pour l’exécution de la grâce qu’on avait demandée. Saisie de ces papiers, elle déclara qu’elle ne les remettrait point qu’on ne lui eût compté la somme entière ; elle fit entendre au gentilhomme qu’il était important pour elle et pour lui qu’elle eût entre ses mains cet argent qu’il aurait peut-être plus de peine qu’elle à retirer de cette ville : il la crut sur parole, il lui fit remettre les 12 000 livres, après quoi, elle, de son côté lui donna les ordres du ministre qu’il envoya en province et qui eurent l’effet qu’on avait attendu.

Cependant ce gentilhomme, qui s’était persuadé qu’une dame d’une si grande qualité lui tiendrait la parole qu’elle lui avait donnée sous son seing, espérait de toucher les 2 000 écus stipulés dès qu’il les lui demanderait. Il fut fort trompé dans son attente. Il alla lui rendre plusieurs fois ses devoirs ; elle eut honte dans les premières entrevues de lui nier sa dette, mais elle se servit d’abord de mille faux-fuyants pour gagner du temps, différer de la payer et lasser cet honnête homme que ses affaires particulières rappelaient dans son pays. Il ne se rebuta pas cependant, il la voyait le plus souvent qu’il le pouvait, il lui représentait son billet, qu’elle eût bien voulu ravoir, mais qu’il prenait des précautions de ne l’en pas rendre la maîtresse. Enfin, après un temps raisonnable, qui paraissait très long à un homme de province qui ne pouvait pas soutenir toujours une grande dépense, il l’obligea de s’expliquer plus nettement qu’elle n’avait fait jusqu’alors.

Cette dame, se voyant si pressée et ne pouvant plus dissimuler ce qu’elle avait résolu de faire, lui dit qu’il lui était inutile d’attendre plus longtemps ce paiement, à quoi elle n’était nullement obligée, qu’elle seule avait pris toute la peine, qu’il était juste qu’elle en eût tout le profit, que c’était à elle à qui la grâce avait été accordée et que c’était elle seule qui en devait tirer les avantages, que la ville aurait fait avec elle la convention des 12 000 livres si elle avait prévu la facilité qu’elle pouvait avoir de lui faire ce plaisir, qu’en un mot elle avait besoin de cet argent et qu’elle ne s’en déferait jamais.

On peut aisément comprendre qu’elle fut la surprise du gentilhomme. Pouvait-il, en effet, s’imaginer qu’une personne de la naissance, du rang et du nom de cette dame pût s’oublier si fort que d’exposer sa réputation et son honneur à l’indignation publique ? Il lui en représenta avec respect toutes les fâcheuses conséquences, qu’ayant son billet il n’y avait pas lieu ni moyen de s’échapper, que la bonne foi devait en toute chose régler la conduite, qu’il lui convenait moins qu’à une autre personne de chercher et de prendre des voies si criantes, si injustes, si indignes pour ne pas payer ce qu’elle lui devait si légitimement, qu’il était vrai qu’on lui avait obligation du succès de cette affaire, mais aussi qu’elle en était suffisamment récompensées par un présent de 2 000 écus, qu’il aurait trouvé d’autres personnes à la Cour qui l’auraient également fait réussir et qui ne lui auraient pas fait la difficulté comme elle de partager le profit selon leurs conventions, qu’il la priait de se souvenir que, lui ayant confié le billet de 12 000 livres sur sa parole et lui ayant ensuite fait compter cette somme, il devait en elle trouver du retour et une pareille confiance, que sa bonne foi devait être reconnue par la sienne, qu’enfin elle ne pouvait en honneur et en conscience, devant Dieu et les hommes, manquer dans un point si essentiel où il s’agissait d’être déshonoré dans le monde et avoir toute sa vie à se reprocher l’indignité de cette action.

Toutes ces raisons ne la touchèrent point. Elle s’avisa d’un expédient, le plus bizarre du monde, et s’imagina cependant que le gentilhomme s’y rendrait et n’aurait rien à répliquer à ce qu’elle allait lui dire : « C’est, lui dit-elle, que je vous ai dit que je n’étais pas obligé à vous payer les 2 000 écus, quoique je vous en aie fait mon billet, parce que je l’ai fait sans le pouvoir et l’autorité de mon mari, qui le rend nul et me dispense de payer cette somme. »

Ce gentilhomme eu lieu de s’étonner d’une réponse si imprévue. Il lui répliqua cependant qu’il ne pouvait revenir de sa surprise à la vue d’un procédé si extraordinaire ; il lui représenta que, n’ayant point fait de façon de traiter avec lui sans en avoir reçu aucun pouvoir de Monsieur son mari, elle devait faire aussi peu de difficulté d’accomplir, sans cette inutile précaution, sa promesse.

Il n’avança pas davantage ses affaires et, chagrin d’un procédé si peu attendu, il se retira pour chercher quelque moyen de faire rentrer cette dame en elle-même et l’obliger à le payer. Il se persuada que, comme j’étais pour lors curé de la Cour, je pourrais la résoudre à s’acquitter d’un devoir si indispensable ; il me vint trouver dans cette pensée, me fit le récit de cette aventure et me marqua que rien au monde ne l’avait plus surpris, qu’il s’était persuadé que des personnes de ce rang devaient plus que les autres avoir soin de leur réputation et que rien n’était plus capable de les déshonorer dans le monde que de pareilles actions. Il me montra le billet ou la promesse que cette dame lui avait fait, qui était en très bonne forme : je le consolai le mieux que je pus, mais je lui fis comprendre que nous ne pourrions jamais fléchir cette dame, dont je connaissais à fond l’esprit et l’humeur, que tout ce que je pouvais lui conseiller était de parler de cette affaire à son confesseur, donc je lui dis le nom.

Je ne vis plus depuis ce temps-là ce gentilhomme, mais je crois qu’il s’en retourna chez lui sans être payé.

Ce qu’elle avait fait à son égard ne me surprit pas. J’étais bien plus effrayé de la voir communier deux ou trois fois la semaine et jouer tous les jours et tromper au jeu, car elle en avait la réputation, et on le disait publiquement, car cela lui était arrivé plusieurs fois, ayant même l’honneur de jouer avec Mgr le Dauphin. On m’en avait parlé une infinité de fois. Voilà de quoi on est capable quand on se laisse emporter à la fureur du jeu : rien ne peut plus retenir, et on tombe dans des bassesses qui font horreur à tout le monde.

Ce n’était pas seulement par des moyens si indignes que les dames de la Cour trouvaient des moyens pour entretenir leur jeu ; elles en avaient en mains d’autres qui, paraissant moins, étaient au moins aussi injustes et très préjudiciables à l’État. Elles avaient des commis affidés chez le ministre et secrétaire d’État de la guerre par les mains de qui passaient toutes les affaires. Elles s’en servaient fort à propos pour elles dans les occasions. Comme ces sortes de manèges n’étaient pas si cachés qu’on ne le sût à la Cour, ceux que leur mérite ou leur ancienneté dans le service ne pouvaient pas faire espérer les emplois où leur ambition les faisait désirer d’être élevés s’adressaient à ces dames et les suppliaient de les honorer de leur protection auprès des ministres. Elles faisaient d’abord les difficiles, elles paraissaient même quelquefois assez éloignées de vouloir entrer dans ces affaires qui, disaient-elles, ne leur convenaient pas. Mais, dès que ces personnes, avides des places et des honneurs qu’elles ne méritaient pas, avaient d’abord en général témoigné à ces dames qu’elles ne seraient pas ingrates des bons offices qu’elles voudraient bien leur rendre, elles se rendaient à leurs désirs.

Pour lors, elles ne rougissaient pas de traiter de leur crédit comme le ferait un négociant de son trafic ; il fallait en passer par la composition qu’elles faisaient sans laquelle elles n’auraient pas complété leurs prières qu’elles vendaient le plus chèrement qu’il leur était possible. Elles parlaient pour lors à ces commis qui avaient leur part de ces gains si injustes et si pernicieux à l’État, ou quelquefois, lorsqu’elles étaient bien dans l’esprit du ministre, elles lui demandaient ces emplois en faveur de ceux avec lesquels elles avaient traité. C’est par des pratiques si dommageables au service du Roi qu’on a vu de jeunes gens préférés à des vieux officiers que ces passe-droits irritaient au-delà de ce qu’on peut dire, qui en a obligé plusieurs de quitter la profession des armes et qui a rempli les troupes de gens qui ne devaient qu’à leur argent le rang qu’ils n’auraient pu obtenir comme les récompenses de leur valeur.

Elles entraient également dans les autres affaires ; tout leur était bon dès qu’il y avait de l’apparence de pouvoir s’enrichir. Les unes avaient de fortes pensions des gens de finance, les autres recevaient des présents considérables d’argent pour faire entrer des gens avides du sang des peuples dans les grosses fermes du Roi. C’est ce que j’apprenais tous les jours, et ce que je détestais comme l’un des plus grands maux du royaume, capables d’en attirer beaucoup d’autres si on n’y remédiait très efficacement. Le Roi n’était pas informé fort exactement de ces pratiques si exécrables. Il est vrai qu’après bien du temps il en apprit quelque chose, il fit même chasser honteusement quelques-uns de ses commis dont nous avons parlé ; mais il me semble que cette punition était assez légère et ne pouvait servir au plus qu’à rendre plus précautionnés les autres coupables, qui prenaient plus de mesures pour agir plus secrètement et empêcher d’être découverts. La justice exacte aurait, ce semble, demandé qu’on eût cassé ces officiers ainsi promus à des charges qu’ils ne méritaient point, à faire rendre à ces dames tout l’argent qu’elles avaient reçu, à les éloigner au moins pour quelque temps de la Cour, et qu’on eût par des châtiments exemplaires puni la prévarication de ces commis qui abusaient si indignement de la confiance que les ministres avaient en eux.

Si je ne parle ici que des dames qui faisaient un trafic sordide de leur crédit, quelques seigneurs de la Cour ne faisaient pas moins de leur côté, car, aimant le jeu autant ou plus que les femmes, leurs revenus ou les pensions qu’ils avaient à la Cour ne suffisant pas pour y satisfaire et à leurs autres dépenses qui étaient excessives, ils avaient comme elles la lâcheté et la bassesse d’âme de recevoir de toutes mains pour fournir à leurs passions déréglées. Ceux qui n’avaient pas cette fureur du jeu avaient un désir démesuré de devenir riches, d’avoir de grandes sommes pour acheter des terres considérables. J’en ai connu entre les autres un de cette espèce, qui ayant à peine 2 ou 3 000 livres de revenu, pendant plusieurs années qu’il avait demeuré à la Cour, profitant du changement qui s’y fit du contrôleur général, il profita si bien de la connaissance et de l’amitié de la femme de celui qui eut cette importante charge qu’en peu d’années il acheta une terre de plus de 15 000 livres de rente et se vit puissamment riche, personne ne doutant de quelle manière il avait en si peu de temps acquis des richesses immenses.

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Mémoires du Curé de Versailles – La folle passion du jeu

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
La folle passion du jeu

Le jeu accompagnait le luxe. Partout on ne voyait que des assemblées de joueurs qui employaient cette indigne occupation la plus grande partie du jour et de la nuit. Les jeux où l’on pouvait d’un coup de dés ou sur le hasard d’une carte gagner le plus ou, pour mieux parler, perdre davantage étaient le plus à la mode. Il n’est pas croyable jusqu’où on avait porté cette fureur de jouer. On en a vu y perdre presque tout leur bien, ruiner leurs maisons et mettre leurs terres au défaut d’argent sous les dés ou sur une carte. On en a vu qui, d’une fortune très médiocre, sont devenus puissamment riche en très peu de temps.

Ce qui était plus surprenant, c’est qu’on admettait à ces jeux excessifs indifféremment toutes sortes de personnes, de quelque condition qu’elles fussent. Il leur suffisait d’avoir de l’argent pour être du jeu même des princes et des princesses ; on a vu des bouchers jouer avec des cordons bleus. Cette licence si effrénée a causé des maux infinis, car je sais que plusieurs familles ont été absolument abîmées par le jeu.

D’ailleurs les dames, qui avaient au moins autant que les hommes cette passion de jouer, n’ayant pas tout ce qu’il leur fallait pour la contenter, faisaient bien des choses indignes de leur naissance et quelquefois de leur honneur. On en parlait en ces termes assez hautement à la Cour, car « comment, disait-on, peuvent avoir tant d’argent ces dames joueuses ? Nous savons qu’elles n’ont que tant chaque année pour leur dépense particulière ou leurs habits, et cependant on les voit quelquefois à une seule séance de jeux perdre des sommes plus considérables : que font-elles donc pour avoir toujours de l’argent comptant pour satisfaire à leur jeu et à leur vanité. ? » Il était facile de comprendre ce qu’ils voulaient dire, on m’en parlait quelquefois plus ouvertement, ce qui me donnait beaucoup de douleur.

Mais, sans entrer dans la recherche de tous les moyens dont elles se servaient pour ne manquer jamais d’argent pour leur jeu et leurs autres folles dépenses, je ne puis m’empêcher d’en marquer ici un qui réussissait à plusieurs, et dont j’ai souvent rougi pour elles et contre lequel je me suis vu contraint, pour satisfaire à mon devoir et à mon ministère, de déclamer fortement en public dans la chaire et dans les exhortations que je faisais chaque mois aux dames de la Cour dans les assemblées de charité.

Ce moyen était de s’intriguer dans les maisons des contrôleurs et des intendants de finance, ou chez les fermiers généraux, de témoigner beaucoup d’amitié à leurs femmes, d’être toujours comme à l’affût des nouvelles affaires qu’on pouvait proposer pour établir de nouvelles taxes, de se charger elles-mêmes d’en proposer de cette nature, avec promesse que, si elles réussissaient, on leur donnerait ou dans un seul paiement une somme considérable, ou un certain revenu chaque année, ce qui leur faisait chercher des gens industrieux à inventer de pareilles manières de faire de nouveaux impôts ou de créer de nouvelles charges. Leur crédit auprès des ministres ou des financiers leur était d’un très grand secours, elles devenaient riches en un moment et vendaient aussi le sang des peuples par leurs paroles. Elles étaient si avides de ce gain honteux et injuste que j’en ai vu souvent aimer mieux perdre leur réputation que de manquer d’amasser de l’argent ; rien ne leur paraissait indigne d’elles, pourvu qu’elles pussent trouver ces avantages.

Je me souviens, à cette occasion, de la plus lâche action du monde qu’une dame de la Cour, princesse par son époux, eut la bassesse de commettre. Voilà le fait.

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Mémoires du Curé de Versailles – Le luxe de Versailles

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
Le luxe de Versailles

Je trouvai en arrivant à la Cour un luxe extraordinaire.

L’origine n’en venait pas seulement de ce fonds d’amour-propre qui fait chercher avec empressement tout ce qui fait plaisir aux sens, mais du mauvais exemple qu’avait donné le Roi qui avait surpassé non seulement tous ses prédécesseurs en magnificence, mais tous les autres souverains de l’Europe.

Il n’était pas possible, en entrant dans les superbes appartements de Versailles, qu’on ne fût frappé d’un grand étonnement d’y voir briller l’or et l’azur, d’y considérer la somptuosité des meubles, le grand nombre des tableaux des plus habiles maîtres, des vases d’argent ciselé d’une grandeur prodigieuse, des lits d’une richesse et d’une beauté surprenantes et tout le reste de ce qui accompagnait ces précieux ameublements qui répondaient à ces bâtiments magnifiques. Rien de ce qui paraissait au-dehors n’égalait les richesses qui n’étaient pas exposées aux yeux de tout le monde, j’entends parler du grand nombre de pierres précieuses, d’agathes, de diamants, de bijoux qui étaient hors de prix.

Cette royale maison, que le Roi avait bâtie dans un fond fort ingrat, a coûté des sommes immenses, car on assure avec beaucoup de vraisemblance que le Roi y a employé plus de 300 millions pour la mettre dans l’état où nous la voyons. Il n’est pas, ce me semble, difficile de le connaître, quand on fait attention à la beauté et à la grandeur des jardins, à l’abondance des eaux qu’on y a fait venir de tous côtés, au prodigieux nombre et à la grosseur monstrueuse des tuyaux de fonte qu’il a fallu faire pour les conduire dans une infinité de réservoirs, de bassins et de fontaines, aux statues antiques de marbre qu’on a fait venir de tous côtés et celles qui ont été faites en France et qui ne cèdent presque en rien aux anciennes, aux marbres précieux qu’on y a employés partout dans les bassins, les degrés, les bosquets et enfin à tout ce qui rend ce superbe château la plus belle chose qui se voit dans l’Europe et, par conséquent, dans le reste du monde.

Le luxe excessif a donné lieu à celui qui s’est d’abord insinué dans l’esprit des courtisans, et qui ensuite s’est répandu dans Paris et dans toute la France ; on n’a pas de peine d’imiter ce qui flatte si agréablement l’amour-propre.

La Cour était d’une magnificence excessive ; rien n’y était médiocre dans les meubles, les habits, les équipages, la dépense de la table, la livrée, le nombre des domestiques. Les grands seigneurs, à l’envi les uns des autres, faisaient des dépenses extraordinaires pour orner et embellir leurs maisons de la ville ou de la campagne ; on voyait tous les jours de nouveaux hôtels et des bâtiments d’un goût et d’une architecture merveilleux. Ce n’était pas seulement dans les appartements de ses seigneurs qu’on remarquait la propreté et la magnificence ; il n’y avait personne qui eût un peu de bien qui ne crût devoir donner dans ce qui était si fort devenu à la mode.

Les simples bourgeois, dès qu’ils avaient acquis quelque bien, en employaient une bonne partie à ces dépenses superflues, on voyait partout beaucoup de vaisselle d’argent et des meubles somptueux, et ce qui autrefois chez nos pères aurait été regardé comme une profusion condamnable était devenu en ce temps-ci une modération louable, tant la vanité s’était emparée de tous les cœurs des Français et leur avait fait oublier ce que la modestie doit inspirer à tout le monde.

Il n’y avait plus sur ce point aucune distinction d’état et de condition. Celui qui était devenu riche égalait en dépense les personnes les plus élevées. Les habits étaient proportionnés à ce luxe des meubles ; on cherchait tous les jours de nouvelles inventions des étoffes les plus riches ; on ajoutait aux brocards d’or et d’argent des broderies d’un grand prix. Tout le reste était à peu près sur le même pied, et l’on avait sujet de dire que le raffinement pour la magnificence avait été poussé si loin qu’il était bien difficile d’y rien ajouter dans la suite.

Mais ce qui était très déplorable était de voir que ceux-là même qui devaient le plus fortement s’opposer à ce torrent des maximes du siècle s’y laissèrent entraîner avec les autres : on vit avec étonnement dans les évêques même ce luxe qu’on devait condamner dans les femmes. Leurs trains, leurs équipages, leurs ameublements se sentirent de la corruption du siècle, que le seul usage public avait plus autorisé et contre lequel, par cette seule raison, ils devaient le plus s’élever. Cet état si saint s’avilit par l’abondance et l’amour des richesses ; on ne les employait qu’a la vanité, quoique destinées au soulagement des pauvres. C’est cette détestable coutume du siècle qui inspira à plusieurs le désir d’être transférés dans des églises dont les revenus étaient plus considérables que celui de leurs premières épouses, et ces translations devinrent communes parce qu’on ne désirait pas de travailler au salut des âmes, mais d’avoir plus de biens et plus de moyens de satisfaire à la vanité et d’être en état d’avoir une meilleure table, un plus grand nombre de domestiques, plus de commodités de la vie, de sorte qu’on pouvait dire avec quelque vérité que ces premières places de l’Église étaient devenues, par la conduite de ceux qui les occupaient, comme des dignités séculières. Cette maxime si détestable dans tous les chrétiens et si absolument condamnable dans les ministres du Seigneur fut la cause que plusieurs d’entre eux ne résidaient que rarement dans leurs diocèses, parce que, ayant en vue d’en obtenir de plus riches, il n’y avait rien qu’ils ne fissent pour les obtenir.

On les voyait faire bassement leur cour au Père confesseur ou même à des courtisans qu’ils savaient être en faveur et, ce qui est encore plus indigne, à des dames dont ils devaient, s’ils eussent voulu s’acquitter de leurs obligations, reprendre avec zèle leurs dérèglements.

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Mémoires du Curé de Versailles – La France et l’Europe en 1686

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
La France et l’Europe en 1686

Il est bon maintenant de décrire à peu près l’état où la situation où était la Cour dans le temps que je commençai de la connaître ; ce que j’espère faire sans flatterie et sans déguisement, rien n’étant plus contraire à l’esprit d’un chrétien et encore plus au caractère d’un évêque de taire, de cacher ou d’obscurcir la vérité, ou de l’envelopper d’une manière qui ne la rende plus connaissable ou respectable comme elle mérite de l’être. Je ne prétends pas aussi faire une histoire suivie ; je me contenterai de rapporter de certains faits dont il ne sera peut-être pas inutile de conserver la connaissance à la postérité.

La France jouissait depuis quelques années de la paix qui s’était faite entre elle, l’Espagne, l’Empire, les Hollandais et leurs alliés par le traité de Nimègue. Le prince d’Orange cherchait tous les moyens de la troubler par des ligues secrètes qu’il faisait avec les mêmes princes et États qui avaient eu peu auparavant de grandes guerres avec la France, où ils avaient beaucoup perdu et dans lesquelles ils avaient éprouvé ses forces, la valeur intrépide de ses soldats, et avaient appris à la craindre, et qui leur avaient fait prendre la résolution de ne plus se brouiller avec elle, à moins que des conjonctures très favorables ne leur donnassent des espérances certaines de succès plus heureux que ceux qu’ils avaient eu par le passé.

L’ambition du prince d’Orange fut le principal motif qui l’engagea de chercher des moyens de s’élever et d’acquérir de la réputation. Il avait, de bonne heure, et lorsqu’il était encore très jeune, donné des preuves de ce désir extraordinaire qu’il avait de régner ; il ne tint pas à lui d’assujettir la république de Hollande. Le grand pouvoir qu’elle lui avait donné, et dont quelquefois il abusa, fit entrevoir ce qu’il était capable de faire s’il avait la facilité et les moyens d’exécuter ses grands projets : le meurtre cruel qu’il fit faire en sa présence de MM. de Witt pour nulle autre raison que parce qu’ils étaient à son gré trop bons républicains et très attachés à leur patrie, à ses lois et à ses véritables intérêts, fit comprendre à toute l’Europe que ce prince ne ménagerait rien quand il trouverait quelque obstacle à ses vastes projets de gloire.

La charge de stathouder ou généralissime des armées des Provinces-Unies lui servit encore pour se faire connaître et pour faire paraître avec son courage, son habileté et sa prudence, combien il était avide de commander. Il fit valoir cet emploi d’une manière à lui faire reprocher sa perfidie dans une occasion où il ne devait penser qu’à ménager les troupes qui lui avaient été confiées.

Il n’avait jamais pu goûter la résolution que les États de Hollande avaient prise de faire, à quelque prix que ce fût, la paix, parce qu’il se persuadait que, dans le temps de la guerre, il aurait plus de crédit ; il était plus redouté, parce qu’il s’imaginait être plus nécessaire. Cependant il eut la douleur de voir que, sans lui et contre ses sentiments, la paix venait d’être conclue à Nimègue.

On lui envoya signer, étant à la tête de son armée, et on en avait envoyé une copie au maréchal de Luxembourg, qui commandait les troupes de France ; elle devait être publiée le lendemain dans les deux camps. Le dépit que le prince d’Orange en conçut lui fit prendre le plus injuste parti du monde : il se servit de ce délai d’un jour de la publication de la paix pour donner bataille à nos troupes, se persuadant qu’il battrait aisément les Français que l’assurance de la paix prochaine lui faisait croire être moins sur leurs gardes.

Il ne perdit pas pour en venir à bout un moment, il s’avança avec son armée en bon ordre et sur diverses colonnes. On en vint donner promptement avis au maréchal de Luxembourg, qui eut beaucoup de peine à le croire et qui ne pensait à rien moins qu’à se battre ou soutenir un combat. Car, comment, disait-il, peut-il se faire que le prince d’Orange vienne contre nous, lui que je sais avoir aussi bien que moi le traité de paix dans sa poche et qui doit être demain publié à la tête de nos armées !

Cependant, il reconnut bientôt que les avis qu’il recevait étaient véritables, car, à peine eut-il le temps de ranger son armée en bataille, le prince d’Orange la vint attaquer de toute part, mais, ayant enfin était partout repoussée vigoureusement, il fut contraint de faire sonner la retraite, après une perte considérable qui fut la punition de sa perfidie et de sa témérité.

Il n’est pas nécessaire que j’explique tout le détail de cette victoire que les Français remportèrent dans cette journée qui fut nommé la bataille de Saint-Denis, à cause du lieu où elle fut donnée. Ceux qui écrivent l’histoire du Roi en marqueront toutes les particularités ; ce que je dois seulement remarquer est que le lendemain on publia la paix dans les deux armées, les troupes de part et d’autre se retirèrent et furent en partie congédiées.

Le prince d’Orange tâcha ensuite de gagner les bonnes grâces du Roi, il lui écrivit de la manière du monde la plus respectueuse et la plus soumise ; il lui demandait son amitié, mais le Roi, qui se sentit extrêmement piqué de l’affaire de Saint-Denis, lui répondit qu’il la lui accorderait quand il s’en rendrait digne. Cette réponse offensa vivement l’orgueil de ce prince, qui dit, après l’avoir lue :
– J’ai fait ce que j’ai pu pour obtenir l’amitié du Roi et je n’y ai pu réussir, mais je ferai en sorte que malgré lui il ne pourra me refuser son estime !

Il s’employa en effet à chercher tous les moyens de venir à bout de ses vastes desseins et s’occupa tout entier à brouiller toutes les puissances de l’Europe contre la France.

Pendant qu’il y travaillait, la France, qui se voyait dans une prospérité très grande, qui s’était rendue redoutable à ses voisins, qui avait étendu fort loin les bornes de son empire, qui avait de tous côtés des places très fortes qui couvraient ses frontières, avait sujet de croire qu’elle jouirait longtemps de la paix qu’on avait fait à Nimègue, qui lui était fort glorieuse et qui paraissait lui assurer toutes les conquêtes qu’elle avait faites depuis plusieurs années. Mais Dieu disposait par sa providence tellement toutes choses qu’il faisait servir ce bonheur dont elle prétendait profiter aux desseins de son infinie sagesse et de sa plus terrible justice, préparant l’esprit des peuples jaloux de cette grande prospérité à se liguer contre elle pour la perdre sans ressource ou pour l’abaisser de manière qu’elle eût toutes les peines de s’en relever. Ce que nous avons vu depuis quelques années s’accomplir si exactement qu’il ne nous est pas permis d’en douter.
Je vais rapporter les sources de ces grands malheurs qui sont venus fondre de tous côtés sur la France, afin que ce que j’en dirai puisse servir d’instruction aux princes qui, dans la suite des temps, gouverneront cette monarchie.

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Mémoires du Curé de Versailles – Présentation au Roi

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
Présentation au Roi

M. Jolly, supérieur général de la Congrégation de la Mission, fit demander pour lors au Roi, par M. Bontemps, de trouver bon que je lui fusse présenté pour la cure de Versailles, et, l’ayant accordé, on en avertit M. de Harlay, archevêque de Paris, ils ont pris le jour qu’il avait coutume d’aller en Cour pour rendre compte au Roi, avec le Père confesseur, des affaires de l’Église. Ce fut donc la première occasion de rendre mes hommages à Sa Majesté.

Elle témoigna d’abord en me voyant de la peine de perdre celui à qui j’allais succéder, mais en même temps Elle ajouta qu’Elle avait déjà appris par M. de Louvois, qui lui avait dit beaucoup de bien de moi, qu’Elle me jugeait capable de réparer la perte que la Cour faisait d’un si bon pasteur. Ayant répondu au Roi que je ferais tous mes efforts pour m’acquitter d’un si saint ministère et que j’espérais ne rien faire qui pût déplaire à Sa Majesté, il me fit l’honneur de me répondre de la manière qu’il a coutume de faire, c’est-à-dire le plus obligeamment du monde, qu’il était persuadé que je ne ferais rien qui ne fût digne d’un parfait honnête homme. Il ajouta ses autres paroles :

« Je suis même assuré que vous apprendrez à toute la Cour et à moi en particulier ce que nous devons faire pour nous sauver. »

Ces dernières expressions du Roi surprirent tous ceux qui les entendirent. M. l’archevêque de Paris en fut lui-même si étonné, et elles lui firent faire tant de réflexions différentes que, dès le lendemain, il en écrivit à M. Jolly et lui demanda s’il n’avait pas été comme lui dans la même surprise de ce discours. Ce n’est pas à moi à examiner maintenant les raisons qui purent engager le Roi de me tenir ce langage. Je puis seulement dire ici en passant que, pendant près de dix-huit ans que j’ai demeuré à la Cour, je n’ai point cessé d’enseigner la vérité, et je puis même, pour en rendre gloire à Dieu seul à qui elle est due, ajouter que Dieu donna beaucoup de bénédictions à mes travaux et aux instructions publiques et particulières que mon emploi m’engagea de donner à la Cour et à tout le peuple de Versailles.

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Qui n’est pas avec moi est contre moi

Voici une méditation, intitulée « qui n’est pas avec moi est contre moi », pour rappeler la véracité du catholicisme

« Qui n’est pas avec moi est contre moi,
Qui n’amasse pas avec moi disperse,
Qui s’accapare les trésors de la terre n’obtiendra pas ceux de l’Éternité,
Qui ne fait pas le bien fait le mal,
Qui ne m’aime pas me hait,

Qui cherche à éradiquer le mal brise les os d’autrui,
Puisque la loi du talion s’oppose à la Loi de l’Amour,
Ainsi, je vous dis de suivre les deux commandements suivants,
Tu aimeras Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme,
Et tu aimeras ton prochain comme toi-même,

Le matérialisme s’oppose à la foi,
Puisque l’amour des biens de la terre éloigne de ceux du Ciel,
Ainsi, celui qui aime l’argent méprise son frère,
Celui qui hait Dieu finit par aimer Satan,
L’aveugle est complice de celui qui vénère le mal,

Mes commandements sont de bonnes lois,
Celui qui les applique est comparable à un bon berger,
Tandis que celui qui veut vivre comme il l’entend est plein d’orgueil,
Il est rempli d’ossements et de ténèbres,
Puisque la mauvaise liberté s’oppose à mes commandements,

Est réellement libre celui qui m’aime,
Puisqu’il écoute mes lois,
Et fait mon admiration dans les Cieux,
Tandis que l’effronté se préfère à moi,
Pour se perdre dans le péché et la barbarie,

Combien d’aveugles de ce temps,
Suivent obstinément leur propre volonté,
Pour assouvir leurs passions malsaines,
Pour vivre selon des règles dictées par des hommes avides,
Ceux qui sont sans foi ni loi,

Qui n’est pas avec moi est contre moi,
Qui n’amasse pas avec moi disperse,
Qui suit ses passions ne fait pas ma volonté,
Qui cherche la richesse ne m’écoute pas,
Qui a soif de luxure est perdu,

Celui qui lève les yeux vers le Ciel,
Et souhaite m’aimer sincèrement,
Se réforme lui-même,
Il admet ses imperfections,
Il revêt une Armure en Or pour vaincre le péché,

Celui qui cherche à se vaincre lui-même m’est fidèle,
Il n’accuse plus les autres mais accepte ses fautes,
Il se pardonne et devient patient,
Il devient doux avec lui et avec ses frères,
Il finit par faire la volonté de Dieu,

Celui qui accepte de porter ma Croix est bon,
Il marche à mes côtés sur l’étroit Sentier de la Vie,
Il n’est plus de ce monde,
Il boit une Eau Vive que les autres ne connaissent pas,
Il ouvre les yeux à la beauté de la Création,

Celui qui est avec moi n’est plus de ce monde,
Les autres ne le comprennent pas,
Perdus dans leurs pensées, ils jugent futilement,
Ils voient les ténèbres sans chercher à regarder la Lumière,
Celui qui m’aime aura la vie éternelle,

Combien d’hommes m’aiment aujourd’hui ?
Donnez-moi le nombre de ceux qui croient en moi ?
Ceux qui m’honorent vraiment en secret sont peu nombreux,
Je pourrais les placer sous ma tente,
Puisque ceux-ci sont une poignée,

Combien sont ceux qui préfèrent le jeu ?
Combien sont ceux qui préfèrent l’argent ?
Combien sont ceux qui préfèrent la luxure ?
Combien sont ceux qui suivent aveuglément des lois iniques ?
Combien sont ceux qui ne me connaissent pas ?

En vérité je vous le dis,
Le mal ne vaincra pas,
Je reviendrais pour mes Fidèles,
Pendant un Petit Temps,
Pour leur faire goûter le Miel de la Paix,

Ma Miséricorde est sans borne pour les affamés,
Je donne ma Paix à ceux qui la cherchent,
Mais je laisse le glaive de la division à ceux qui s’acharnent,
Je tourne le dos à ceux qui me méprisent,
Car ceux-ci ont pour père le démon,

Vivez selon les dix commandements,
Aimez Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme,
Aimez votre prochain comme vous-même,
Donnez de votre temps à ceux qui en ont besoin,
Soyez là pour votre frère et je serais là pour vous,

Protégez les enfants de ceux qui les scandalisent,
Veillez sur les anciens,
Soignez les malades,
Donnez de la nourriture à ceux qui ont faim,
Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ! »

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Mémoires du Curé de Versailles – La fistule de Sa Majesté

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
La fistule de Sa Majesté

Le Roi, en cette année 1686, se sentit attaqué d’un mal assez considérable qui aurait pu avoir de très fâcheuses suite si on n’y eût remédié promptement.

C’était une fistule au fondement qui lui était d’autant plus sensible qu’elle ne lui permettait plus de monter à cheval qu’avec beaucoup de peine et de douleur, et qu’il lui était difficile de demeurer longtemps assis sans en ressentir d’assez grandes incommodités. Lorsque, pendant l’automne, il était à Fontainebleau, son mal s’augmentant de jour en jour, il prit la résolution de se faire faire l’opération dès qu’il serait de retour à Versailles.

Il y revint quelques jours après la fête de Saint-Martin. Dès le lendemain, il fit ce qu’il avait résolu, et l’opération en fut très heureuse.

Il avait tenu son mal très secret, il n’en avait donné la connaissance qu’à très peu de personnes dont il était assuré de la fidélité. Son premier médecin, le sieur d’Aquin ; M. Fagon, qui avait été premier médecin de feu la reine, en qui l’on avait à la Cour beaucoup de confiance et qui depuis a été choisi à la place dudit sieur d’Aquin ; M. Félix, premier chirurgien, le plus estimé de son temps entre ceux de sa profession, furent ceux à qui le Roi s’ouvrit sur la nature de son mal. Il en avait aussi parlé à Mme de Maintenon, en qui il y avait déjà quelques années qu’il avait une confiance entière ; à M. le marquis de Louvois, ministre et secrétaire d’État qui était pour lors le plus en crédit et en grâce, et au sieur Bontemps, son premier valet de chambre, gouverneur de Versailles et de Marly, qui avait mérité, par un très fidèle attachement pour son prince, d’être honoré d’une très particulière bienveillance.

Le marquis de Louvois, qui avait un très grand zèle pour le service du Roi, duquel il avait reçu en toutes occasions des bienfaits très considérables et des richesses immenses et qui était le plus en crédit en ce temps-là, prit le soin de faire chercher à Paris des personnes qui fussent attaquées du même mal que ce prince ; il ne fut pas difficile d’en trouver un assez grand nombre dans cette grande ville. Il en fit traiter quelques-unes dans l’hôtel royal des Invalides par un frère jacobin qui se mêlait, plus que sa profession ne lui permettait, de voir toutes sortes de malades et même des femmes. Ce religieux, pour tâcher de se mettre en vogue, avait imaginé un remède qu’il eût la présomption de croire être infaillible pour guérir les fistules, ce qui effectivement, s’il eût pu réussir, lui aurait attiré avec l’estime beaucoup de réputation et encore plus d’argent, parce que ce remède ne consistait que dans l’injection d’une eau qu’il prétendait avoir trouvée par son application et qu’on reconnut dans la suite n’être que le vitriol préparé. Mais le mauvais succès qu’il en eut fit connaître que ce merveilleux baume n’était qu’une vraie chimère et qu’un moine charlatan fait une très plaisante et très vilaine figure dans le monde.

Ce ministre ne s’y fiait pas aussi beaucoup, et il ne lui permet de travailler qu’afin qu’on ne pût pas dire qu’il eût négligé la moindre occasion de rendre service à son prince et à son insigne bienfaiteur. Il prit des mesures plus sages, plus justes et plus infaillibles en faisant conduire à son hôtel à Versailles plusieurs de ces malades qu’il faisait traiter par le premier chirurgien du Roi, qui devait faire cette opération. Quelques-uns y moururent, qu’il prenait la précaution de faire enterrer de très grand matin et avant le jour, sans faire sonner les cloches, afin que personne ne s’aperçût de ce qui se passait ; plusieurs en guérirent, entre lesquels il y eut un prêtre, nommé Sanga, qui, après sa guérison, ne pensa plus qu’à profiter de cette occasion qu’il se persuadait devoir lui être très avantageuse pour obtenir du Roi un bénéfice.

En effet, après la guérison de ce prince, il lui présenta un placet (une courte demande écrite) dans lequel il eut l’impertinence de se qualifier frère de sang de Sa Majesté, qui lui donna enfin un canonicat dans l’église métropolitaine de Sens. Comme il continua dans cette place de se vouloir faire valoir par ce même endroit et qu’il avait la sottise de faire croire aux simples qu’il avait du crédit en Cour, il s’attira une raillerie piquante du sieur Boileau, doyen de cette église. Car, un jour de chapitre, ayant encore eu la sotte vanité de faire sonner bien haut la protection qu’il s’imaginait avoir du Roi par la grâce duquel il avait été fait chanoine, ce doyen, qui était au moins aussi piquant que son frère Despréaux l’était dans ses satires, lui dit, en le tournant en ridicule : « Vous vous avez, Monsieur Sanga, bien raison de vous vanter de la manière dont vous êtes entré dans notre corps, car enfin vous avez été fait chanoine pour avoir montré votre cul ! »

Ce qui ôta la parole à cet homme, mais non pas sa hardiesse, car, dans les occasions, oubliant ce que lui avait dit son doyen, il ne cessait pas de parler de son aventure comme lui étant la plus glorieuse de sa vie.

Pour revenir à notre sujet, duquel cette petite histoire du sieur Sanga nous a donné l’occasion de nous écarter par une digression qui peut-être ne sera pas désagréable, dès que M. de Louvois put s’assurer du succès de l’opération qu’on devait faire au Roi par les expériences qu’on avait faites sur plusieurs malades, il rendit compte à Sa Majesté de ce qui se passait et, sur son rapport, le Roi se détermina de s’abandonner entre les mains de M. Félix, lui ayant témoigné qu’il désirait que lui seul travaillât sur lui, ayant une parfaite confiance en son habileté.

Celui-ci, qui était très sage, quoique très savant et le premier du royaume, non seulement par son rang mais encore plus par sa grande capacité dans sa profession, supplia avec beaucoup d’insistance Sa Majesté de lui permettre d’appeler à son secours celui des chirurgiens de Paris qui était généralement le plus estimé ; il crut, comme il me l’a dit souvent depuis, qu’il y aurait eu de la témérité d’entreprendre seul et sans conseil une cure de cette conséquence, que d’ailleurs il pourrait arriver dans l’opération des accidents qu’on ne peut pas prévoir, dans lesquels on peut avoir besoin de secours. Le Roi y consentit, ajoutant néanmoins que c’était par complaisance qu’il lui accordait ce qu’il lui avait demandé, étant persuadé qu’il était le seul à qui il avait une entière confiance.

Le lendemain donc du retour du Roi à Versailles, comme nous l’avons dit, après avoir dîné à son ordinaire, s’étant, comme il avait coutume, retiré dans sa chambre, lorsque toute la Cour y pensait le moins, les uns s’appliquant à leurs affaires, les autres s’occupant ou pour mieux dire s’amusant au jeu, ceux-ci étant allés à la promenade, ceux-là se tenant dans les salles et antichambres des appartements de Sa Majesté, comme il se pratique à la Cour pendant que le Roi est chez lui, on fit entrer secrètement les médecins et chirurgiens et les personnes que j’ai déjà nommées.

Il dit au sieur Félix qu’il lui fît autant d’incisions qu’il serait nécessaire, mais qu’il souhaitait qu’il prît si bien ses mesures qu’on n’eût pas à y revenir une seconde fois. L’opération se fit le plus heureusement du monde ; le Roi la souffrit avec toute la fermeté et la patience possibles. On apprit un moment après à la Cour qu’elle venait de se faire ; on y fut très surpris de la savoir plutôt achevée que d’avoir su qu’elle devait se faire, quoiqu’on fût depuis longtemps accoutumé de voir que toutes les affaires se traitaient avec un secret inviolable.

Le Roi, deux ou trois jours après cette opération, se vit en état de travailler avec son conseil à son ordinaire. Ceux qui le composaient se trouvaient aux heures marquées dans sa chambre, et le Roi y paraissait avec la même attention que lorsqu’il était dans la plus parfaite santé.

Le sieur Félix m’a avoué depuis que, lorsqu’il fut sur le point de mettre les mains sur son prince, les réflexions qu’il fit sur l’action qu’il allait faire, sur les suites qu’elle pouvait avoir, sur l’horreur et l’indignation du public contre lui s’il y arriver du malheur, le reproche qu’il se ferait le reste de ses jours à lui-même d’avoir pu contribuer à la perte de son Roi quoique très innocemment, la pensée seule qu’il avait pour lors que la vie de ce grand prince était entre ses mains et qu’il peut arriver dans ces sortes d’opérations extraordinaires divers accident qu’on ne peut pas prévoir, tout cela, dis-je, lui fit presque glacer le sang dans les veines, et le grand effort qu’il fit sur lui pour être, comme il le devait, assez appliqué à une action de cette importance, lui causa une entière révolution d’humeurs et un tremblement dans le corps qui ne le quitta plus le reste de ses jours.

Lui qui était le plus habile de son temps pensa, peu de temps après, estropier le sieur de Nyert, premier valet de chambre du Roi, son intime ami, dans une saignée, lui ayant piqué l’artère, ce qui lui fit prendre enfin la résolution de supplier Sa Majesté de nommer quelqu’un pour le saigner à sa place quand il en aurait besoin, ce que le Roi accorda à ses pressantes prières. Cependant il continua jusqu’à la mort d’être son premier chirurgien ; aussi méritait-il plus qu’un autre cette place si importante.

Le Roi se trouvant chaque jour de mieux en mieux de sa plaie donna des audiences selon la coutume ; les ambassadeurs y vinrent à leur ordinaire et on fut très aise qu’ils vissent le Roi dans l’état où il se trouvait, afin qu’ils pussent mander à leurs maîtres que le Roi se portait bien, et par ce moyen leur ôter toute envie de remuer, ce qu’ils auraient fort souhaité, comme il ne parut que trop dans la suite.

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Mémoires du Curé de Versailles – Le mariage de M. de Dangeau

Mémoires du Curé de Versailles

Chapitre I – La Cour et le Roi
Le mariage de M. de Dangeau

L’an 1686, Innocent XI étant souverain pontife, je fus nommé pour être curé de la paroisse royale de Versailles et succéder en cette qualité à M. Charles Turpin de Jouhé, qui s’était rendu digne par son rare mérite, sa vertu consommée, ces manières d’agir nobles et aisées, de la bienveillance du Roi et de l’estime de toute la Cour.

Peu de temps avant une grande maladie qu’il eut, qui eut de fâcheuses suites qui obligèrent qu’on le retirât de cet emploi qui est accompagné d’une fatigue incroyable, il lui arriva une affaire qui mérite d’être rapportée.

Le marquis de Dangeau était chevalier de Mme la Dauphine, Marie-Victoire de Bavière, princesse de beaucoup d’esprit et qui fut assez peu heureuse en partie par sa faute et en partie par la peine qu’elle se fit de voir que le roi avait beaucoup plus d’égards pour une personne de sa Cour que pour elle et dont nous parlerons plus au long dans la suite de ces mémoires.

Ce seigneur qui était veuf et était devenu très riche par le moyen du jeu, où il avait gagné des sommes immenses, désirait passionnément de se marier avec Melle de Levenstein, Allemande, fille d’honneur de Mme la Dauphine et nièce de feu M. le cardinal de Fürstenberg, évêque de Strasbourg.

Elle était une des plus belles personnes de la Cour et joignait à sa beauté une douceur charmante, un air et des manières très modestes qui, avec sa naissance illustre, lui attiraient l’estime de tout le monde.

Le marquis de Dangeau, un des plus adroits courtisans de son temps, qui avait autant d’ambition pour s’élever qu’il avait eu de bonheur dans le jeu, résolut de suivre les désirs qu’il avait conçus pour cette aimable personne. Il croyait n’y pouvoir trouver d’obstacles que dans la différence de la naissance, cette demoiselle ayant l’honneur d’être de la maison de Bavière dont elle porte les armes et lui, quoique né gentilhomme comme il l’a prétendu et dont j’ai vu douter à la Cour, étant d’une condition bien au-dessous de celle qu’il souhaitait épouser.

Cependant, il se servit si bien de son esprit, de son savoir-faire, de ses adresses qu’il réussit dans son dessein et se maria enfin avec cette vertueuse demoiselle.

Le sieur de Jouhé, curé de Versailles, dressa l’acte de ce mariage dans les registres de la paroisse selon l’usage pratiqué en ces occasions, dans lequel, en marquant le nom et les qualités des mariés, il ajouta, selon qu’on l’exigea de lui, au nom de Levenstein celui de Bavière.

Comme les gens de Cour se servent de tout ce qu’ils croient être capable de leur attirer la confiance des princes, il s’en trouva quelqu’un qui s’imagina faire plaisir de parler à Mme la Dauphine de ce qui venait de se faire, et, selon la maxime horrible et pernicieuse de plusieurs courtisans, empoisonna si bien cette action, qui était très innocent de la part du curé qui était obligé d’écrire ce qu’on lui disait, que cette princesse, naturellement vive et fière, parue fort échauffée contre lui.

Elle l’envoya chercher, lui fit des reproches de la trop grande complaisance qu’il avait eue pour Melle de Levenstein, et s’emportant beaucoup contre elle, se plaignit amèrement que, étant à son service et à sa suite, elle lui avait manqué de respect, ayant osé, disait-elle, prendre le nom de sa maison, dont elle ajouta qu’elle n’était pas. Elle lui ordonna ensuite de lui apporter les registres sur lesquels cet acte de mariage était écrit et, l’ayant entre ses mains, après l’avoir lu avec indignation, elle le déchira avec colère.

Le Roi, ayant su ce qui s’était passé, en parla au sieur de Jouhé, ne désapprouvant pas ce qu’il avait fait en cette rencontre ; mais celui-ci ayant représenté à Sa Majesté qu’on ne pouvait pas toucher à des registres publics si précieux aux familles et desquels on tire souvent des preuves pour leur assurer leurs biens et leur repos. Elle ordonna au bailli de Versailles de dresser dans le même registre un acte par lequel il marquerait que ce feuillet en avait été tiré par ses ordres, ce qui fut exécuté sans qu’on y marquât la raison de cette aventure, dont il est bon de conserver la connaissance par ces mémoires.

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Mémoires du Curé de Versailles – Introduction de Georges Girard

Mémoires du Curé de Versailles
Introduction de Georges Girard

En 1757, dans la préface de ses Mémoires pour servir à l’histoire de Madame de Maintenon, La Beaumelle, indiquant fort honnêtement les manuscrits inédits qu’il avait eu la bonne fortune d’utiliser pour la rédaction de son ouvrage après les souvenirs et mémoires de Madame de G…, et de P…, de Melle d’Aumale, du sieur Manseau, de l’Abbé Pirot et du marquis de Dangeau, citait enfin :

« Les mémoires de Monsieur Hébert, d’abord curé de Versailles, ensuite évêque d’Agen, toujours mêlé dans les affaires de l’église et toujours instruit de celle de l’État. Ce prélat jouit pendant vingt ans de la confiance de Louis XIV et de celle de Madame de Maintenon. Retiré dans son diocèse, il écrivit les derniers événements dont il avait été témoin avec l’exactitude d’un homme qui avait tout vu et avec la liberté d’un homme qui n’écrivait que pour lui-même. M. des M… est propriétaire de l’original et mérite de l’être : il en prépare une édition fidèle et enrichie de notes. Les curieux avoueront qu’on ne pouvait leur faire de plus agréable présent ni le faire avec plus de goût. »

Les curieux en furent hélas pour leur attente. L’édition de M. des M… ne vit pas le jour, pour comble de malheur le manuscrit disparut et ces Mémoires finalement ne furent pas autrement connus que par les extraits très brefs que de-ci, de-là en donna La Beaumelle : assez pour allécher, trop peu pour satisfaire.

Or la seule personnalité de l’auteur eût suffit à leur donner de l’intérêt.

Qu’était-ce donc que ce François Hébert ?

François Hébert, né à Tours en 1651 et destiné aux ordres dès son enfance, fut élevé à Saint-Lazare par un ami de sa famille, Monseigneur Abelly, prélat connu par son opposition au jansénisme.

C’est peut-être à l’influence de celui-ci qu’il dût d’être choisi tout jeune pour des postes de confiance dans les diocèses fortement entachés de jansénisme. Il débuta en effet à vingt-trois ans comme professeur de théologie au séminaire de Sens et en 1677 il était nommé, après la mort du fameux évêque Nicolas pavillon, supérieur du séminaire d’Aleth, puis de celui d’Arras. Il ne devait quitter cette dernière charge qu’en 1686 pour la cure paroissiale de Versailles.

Le poste était alors nouveau. Jusqu’en 1678, la population de Versailles avait été très réduite et une simple église rurale avait suffi aux besoins du culte. Mais lorsque le Roi installa définitivement la Cour au château, l’agglomération versaillaise se développa rapidement et il fut nécessaire de la doter d’une église paroissiale convenable. Mansard fut chargé de la construire ; elle venait en 1686 d’être livrée au culte quand M. Hébert prit possession de sa charge de curé.

Il devait occuper de 1686 à 1704. Comptez : dix-huit années, qui sont les plus belles du règne de Louis XIV, celles où le Roi Soleil donne tout son éclat, celles de la splendeur et de la gloire.

En 1704, François Hébert fut élevé à l’épiscopat et quitta Versailles pour Agen, où il devait mourir. Mêlé à toutes les grandes affaires ecclésiastiques qui troublèrent les premières années du dix-huitième siècle, il n’eut cependant pas à faire figure de grand prélat de combat. Le gouvernement de ses ouailles l’occupa par-dessus tout et il s’en acquitta de telle sorte que son souvenir demeure dans le diocèse d’Agen. Il mourut le 21 août 1728.

Tel était l’homme. Il eut dans sa vie une chance : ce ne fut pas d’être évêque d’Agen, ce fut d’avoir était curé de Versailles et à l’époque que nous avons dite. Il aurait aussi bien pu être curé de Notre-Dame de Paris, de la cathédrale de Reims ou de Saint-Aignan d’Orléans, il n’aurait pas connu grand-chose du siècle.

À Versailles, les obligations même de son ministère l’amenèrent à la fréquentation quotidienne des plus hauts personnages de royaume, l’introduisirent dans l’intimité de Madame de Maintenon et du Roi. Dans ces conditions, il est aisé de comprendre que, par ses fonctions vivant en marge d’elle et échappant néanmoins à toutes ces intrigues, il fut mieux placé que quiconque pour observer et connaître la Cour, apprendre ses plus graves secrets, être au courant de ses plus petits potins.

Que plus tard à Agen, dans la quiète solitude de son palais épiscopal, il ait trouvé quelque plaisir, mélangé peut-être d’une pointe de regrets, à remuer les souvenirs de son éblouissant passé et se soit distrait à les fixer sur le papier, il ne pouvait rien nous arriver de plus heureux.

Rien en vérité (le faible écho qu’on en trouve dans La Beaumelle en témoigne suffisamment), si toutefois nous avions eu la chance de conserver son manuscrit.

Or celui-ci est perdu et bien perdu puisque à ce jour on ne l’a pas encore retrouvé.

Je sais bien qu’en 1883 l’inventaire sommaire du Fonds France : Mémoires et Documents des Archives du Ministère des Affaires étrangères signalèrent l’existence du manuscrit de François Hébert. C’est exactement, comme on peut le vérifier, dans le volume n°1182 de ce fonds, entre l’indication de « Minutes et Mémoires des expéditions de la secrétairerie d’État de Monsieur de Torcy » et de « Mémoires sur les finances et le commerce », et le document figure sous cette rubrique : « Mémoires de François Hébert, curé de Versailles, puis évêque d’Agen. »

Donc, dès 1883, l’existence du manuscrit tant regretté était révélée au public. Il ne fut cependant déterré que beaucoup plus tard et le mérite de cette exhumation revient au distingué érudit agenais, biographe de François Hébert, qu’est Monsieur le Chanoine Durengues.

Après publication par celui-ci de quelques extraits des Mémoires d’après le volume des Affaires étrangères dans la Revue de l’Agenais, publication très fragmentaire et tournant beaucoup trop souvent à l’analyse sommaire, mais abondamment commentée, il m’a paru que l’œuvre de Monsieur Hébert méritait mieux et qu’au moins de très larges parties valaient d’être soumises au public sans coupures et sans commentaires.

Ce que je fis à deux reprises différentes dans la Revue de France, et je dois ici exprimer mes remerciements à Monsieur Marcel Prévost pour l’accueil qu’il fit au « Curé de Versailles ». Le public a chaleureusement ratifié l’hospitalité qu’il nous offrit alors ; sur ce point au moins j’étais sûr de ne pas me tromper.

Aujourd’hui que je présente en leur entier les Mémoires de François Hébert, ou du moins ce qui nous en est parvenu par le manuscrit des Affaires étrangères, mon premier devoir est de prévenir que ce manuscrit n’est pas l’original vu et consulté par la Beaumelle et que ce n’en est qu’une copie certainement incomplète. Bienheureuse copie, d’ailleurs, puisqu’elle nous a sauvé la plus grande partie de cette œuvre de premier plan.

Le document conservé aux Archives des Affaires étrangères et qui n’est pas de la main de Monsieur Hébert porte le titre suivant :
Manuscrit de Monsieur Hébert, curé de Versailles, nommé à cette cure en 1686 et fait depuis évêque d’Agen. Commencé le 2 juillet 1710 et fini au commencement de 1711.

On est fondé à croire par plusieurs passages précis du texte que ces dates marquent l’époque de la rédaction et non de la copie.

Matériellement, les Mémoires se présentent sous forme de 66 feuilles in-folio (numérotées 189-254).

À l’exception de la dernière, ces feuilles sont couvertes au recto et au verso d’une écriture menue et plutôt serrée. La dernière n’est écrite qu’au recto et se termine sur une phrase inachevée. À l’intérieur du manuscrit, il n’y a aucune solution de continuité.

Qui nous fait dire que ce document (dont nous ignorons d’ailleurs si jamais il a été autographe) n’est pas l’original ?

Simplement la lecture de l’ouvrage de La Beaumelle et de ses notes de bas de pages.

D’abord une remarque et qui semblerait infirmer notre conviction. Le manuscrit des Affaires étrangères, nous venons de le dire, est inachevé ; celui qu’a vu La Beaumelle l’était également. Il nous le dit expressément et dans une de ces notes précisément (livre X. chap XXII)… « Monsieur l’évêque d’Agen dit que cette disgrâce (de Fénelon) produisit des raisonnements infinis et promets d’en parler dans la suite de ses mémoires. Mais cette suite est perdue. »

Alors ? Eh bien, cela ne prouve qu’une chose, c’est que le manuscrit était déjà incomplet du temps de La Beaumelle. Mais il l’est encore plus aujourd’hui, et c’est facile à vérifier.

Toutes les fois en effet que La Beaumelle l’a utilisé, il a mis en note cette référence : « Manuscrit d’Hébert » ou « Mémoires de l’évêque d’Agen ».

Dans ces conditions, il y a une chose bien simple à faire : relever les passages ainsi soulignés et vérifier si on les retrouve dans le manuscrit des Affaires étrangères. Or, on en retrouve beaucoup, on en retrouve même la plus grande partie, mais on ne les y retrouve pas tous, preuve que nous n’avons qu’une partie de la copie de l’original.

Mais il y a mieux et Monsieur Durengues l’a très justement observé : les notes de l’ouvrage de La Beaumelle nous donne des précisions intéressantes sur l’original. Si en effet beaucoup d’entres elles restent imprécises (« Mémoires de l’évêque d’Agen »), certaines portent de précieuses indications de pagination sur lesquelles il convient de s’arrêter un peu.

Le manuscrit des Affaires étrangères, je le rappelle comporte 66 feuilles in-folio, soit 131 pages d’une écriture assez serrée, surtout vers la fin.

Prenons-y un épisode qui forme un tout, qui soit facile à reconnaître et à identifier : celui par exemple des représentations d’Esther à Saint-Cyr.

Il est résumé par La Beaumelle dans son tome III (p. 183-187) et celui-ci libelle ainsi sa référence : « Mémoires manuscrits d’Hébert, évêque d’Agen, depuis la page 212 jusqu’à la page 237 ».

Consultons le manuscrit des Affaires étrangères. L’épisode en question est relaté du milieu ou environ de la page 59 au milieu de la page 64.

Ce qui fait qu’en chiffres ronds une page de la copie correspond à cinq pages de l’original.

Or, La Beaumelle cite du manuscrit original jusqu’à la page 799. En supposant que l’original abondamment compulsé s’arrête aux environs de la 800e page, et cinq pages de celui-ci représentant une page de la copie, c’est une multiplication, une soustraction et une division qu’il suffit de faire pour constater qu’il manque à la copie environ et au moins 29 pages.

Faut-il entendre que toutes ces pages sont forcément postérieures à la coupure du folio 66 du manuscrit des Affaires étrangères ? C’est vraisemblable. Mais au reste, ce sont là discussions d’intérêt relatif. Ce qu’il faut retenir et ce qu’il convenait de dire, c’est :

1. Que le manuscrit des Affaires étrangères n’est pas l’original des mémoires de Monsieur Hébert, consulté et utilisé par La Beaumelle ;
2. Que, par rapport à celui-ci, il présente des lacunes certaines ;
3. Qu’en dépit de ces lacunes il n’en reste pas moins un document authentique de premier ordre sur la Cour de Louis XIV et les affaires religieuses du temps.

On en trouvera pour la première fois ci-dessous le texte complet. Il paraît qu’il y avait quelque témérité à le publier entièrement : il ne m’a pas déplu de le faire alors. Aussi bien, ce document a déjà donné lieu à trop de controverses pour que public ait droit à autre chose que des commentaires et des réfutations passionnés. Je lui livre le texte entier : il jugera.

Il est peut-être superflu d’indiquer que ce texte étant naturellement d’un seul jet, toutes les coupures en chapitres et sous-rubriques qui y ont été pratiquées pour le rendre plus accessible au lecteur moderne, l’ont été par moi. Enfin, j’ai tenu à le compléter en publiant en appendice les passages des Mémoires cités par La Beaumelle et dont il n’a pas été retrouvé trace dans la copie des Affaires étrangères.

Tel qu’il nous est parvenu, le manuscrit de François Hébert se divise en gros en deux parties d’importance fort inégale : la première et la plus courte, qui est une sorte de recueil d’anecdotes, de « choses vues » comme nous dirions aujourd’hui, sur la Cour et le Roi ; la deuxième consacrée à l’histoire vécue des grandes questions religieuses du temps (protestantisme, jansénisme, quiétisme).

L’une et l’autre présentent le plus grand intérêt. Et d’abord du fait même de l’auteur, qui est un conteur prenant. Nous défions en effet quiconque a le goût du passé et du document « vivant » de lire sans intérêt les anecdotes du bon curé et son tableau de la Cour.

Le témoignage qu’après tant d’années il nous apporte a cette valeur qu’il n’est pas le témoignage d’un courtisan, mais d’un prêtre d’une moralité grande, ayant en tout cas une très haute idée de ses devoirs de prêtre et qu’impressionnaient peu la fréquentation et les mœurs des grands de ce monde. Ses souvenirs ont cet accent qui ne trompe pas de la sincérité et de la sérénité. C’est que jamais il ne se laissa éblouir par l’éclat du siècle, qu’il eut, on le verra, une vision très aigüe des choses et des gens et, ne perdant jamais son franc-parler, eut encore le mérite et l’habileté de savoir toujours se tenir à sa place.

C’est sans doute à cette attitude qu’il doit la bienveillance personnelle de Monsieur de Saint-Simon, à l’ordinaire fort monté cependant contre « ces cagots abrutis de barbichets des missions qui ont la cure de Versailles. »

Il est bien évident que les spectacles qu’ils avaient journellement sous les yeux n’étaient pas faits pour l’édifier : s’il en a dénoncé le scandale avec sincérité et peut-être quelque brutalité, il n’y a pas à s’en étonner, et c’est tout à son honneur. Les faits qu’il rapporte, il les a vus, et, n’écrivant pas pour le public mais pour lui-même, il ne s’est soucié de dire que ce qu’il a vu. Il n’est que juste de reconnaître qu’il ne le fait pas sans verve.

Quant à son témoignage sur les affaires religieuses du temps, il paraît presque ridicule d’en vouloir signaler l’importance. Déjà intéressant sur les protestants et sur les rapports du Roi et du Pape, il devient passionnant dès qu’il aborde l’affaire de la querelle janséniste. Ses pages sur Port-Royal, sur Racine, sur Boileau, sur Saint-Cyr, sur les Jésuites apportent une contribution nouvelle à l’histoire d’un temps qui n’a pas fini de solliciter notre curiosité, notre appétit de savoir, notre goût de connaître.

L’intérêt des Mémoires de François Hébert atteint son point culminant dans les derniers chapitres, ceux qui ont trait à la grande querelle Bossuet-Fénelon. Mieux placé que « d’autres qui ne l’ont su que par ouï-dire et sur la foi d’autrui », lui qui a assisté au premier rang à toutes les phases de la rencontre, par-delà les siècles, nous apporte aujourd’hui son témoignage. Il est accablant.

À ce propos, je dois avouer une erreur. Lorsque je publiai ces pages dans la Revue de France, j’avançai audacieusement que le quiétisme et les querelles qui en naquirent ne passionnaient vraiment plus personne aujourd’hui. Je n’ai nul embarras à reconnaître que je me trompais lourdement et on me l’a bien fait voir, aux lecteurs de la Revue également.

Il est de fait que j’avais été singulièrement imprudent. Imaginez-vous que, connaissant très superficiellement cette question, j’avais eu la volonté de me documenter sur elle et, entre autres lectures, ayant fait pour la première fois celle de ce livre prodigieux qu’est l’Apologie pour nelon, j’avais eu l’audace de dire :

1. Que le témoignage d’Hébert confirmait absolument les conclusions de l’ouvrage de Monsieur Bremond ;
2. Que j’éprouvais une certaine admiration pour un historien dont la thèse rédigée alors que ce document capital n’avait pas encore été exhumé recevait de lui une si éclatante confirmation.

Ce sont là des choses qui, dans un certain milieu, ne peuvent évidemment se pardonner.

Le R.P. Dudon, rédacteur aux Études, me le prouva bien. Mis personnellement en cause par lui et de la façon la plus désobligeante, je me promettais de répondre à mon heure. Mais, plus prompt à venger les injures de ses amis que les siennes propres, Monsieur Bremond me devança. Et ce fut les 1er mais et 1er septembre 1926 pour les lecteurs de la Revue de France un régal de haut goût, pour le R.P. Dudon lui-même la leçon, qu’il n’avait que trop méritée et que seul un maître pouvait lui donner aussi définitivement, de courtoisie, de critique, de style et plus encore d’équité. Que Monsieur Bremond veuille bien trouver ici la nouvelle expression de mes vifs remerciements.

Georges Girard.

Lien vers le fichier PDF : https://lafrancechretienne.files.wordpress.com/2018/02/memoires_du_cure_de_versailles_introduction_de_georges_girard.pdf

Publication complète de « Mémoires du Curé de Versailles »

Chers amis,

Voici un travail à la fois considérable et chronophage. Vous trouverez au fil des semaines la publication complète de l’ouvrage remarquable « Mémoires du Curé de Versailles » tiré du témoignage unique de François Hébert, grâce à Georges Girard qui a publié les notes du Prélat en 1927. 

Ce travail est vraiment important car l’ouvrage, tombé dans le domaine public, n’a encore jamais été numérisé. Vous y découvrirez l’histoire authentique de la France au XVIIe siècle, loin des grossiers mensonges contemporains.

Stéphane, le 3 février 2018

 

Le roi du Ciel est supérieur au maître de la terre

Ceux qui font un pacte avec Lucifer,
Obtiennent le pouvoir ici-bas pendant un temps,
Au détriment de leur âme,
Pour la réussite matérielle,

Avides de pouvoir et de gloire,
Les ennemis de Dieu pensent gouverner,
Sur la terre comme au Ciel,
Sans se douter que leur maître diabolique est corrompu,

Satan offre les richesses matérielles,
À ceux qui l’invoquent en suivant ses iniques lois,
Mais, même lui doit plier le genou devant la Gloire du vrai Roi,
Puisque Dieu le Père est créateur de toute chose,

Ici-bas, l’enfer semble lointain,
Pour ceux qui brassent des milliards sans état d’âme,
Mais à l’approche de leur mort,
Ils ouvrent douloureusement les yeux sur la réalité de l’autre monde,

Au moment de leur trépas,
Le pouvoir qu’ils avaient ici-bas leur est ôté,
Toute gloire passée est ruinée,
Et ils sont jetés dans les ténèbres du dehors, oubliés de tous,

Nous en revenons aux fables de la Fontaine,
Car l’orgueilleux qui veut se faire l’égal de Dieu,
Passe sa vie à grossir comme une grenouille,
Tant et si bien qu’au dernier moment, il finit par éclater,

Qui se souviendra du milliardaire sans sagesse,
Qui souhaitait être un gourou pour beaucoup,
Simplement parce qu’il manquait de finesse,
Au point de se rompre le cou,

Restons sages et prudents,
Car de l’autre côté nous ne savons rien,
Sinon que le bien et le mal que nous avons fait,
Pèseront dans les plateaux de la balance du juge Éternel,

Des individus sans sagesse,
Finissent par devenir pires que les animaux,
Au point de se massacrer pour des broutilles,
Ce qui ne fait pas la gloire de l’humanité,

Souvenons-nous simplement que le vrai Dieu,
Est un redoutable juge rempli de miséricorde,
Pour ses créatures qui l’honorent,
Mais sévère envers ceux qui l’outragent,

Telles sont les lois de l’Éternité,
Que nous ne pourrons jamais changer,
Car quel ver serait assez prétentieux,
Pour affirmer qu’il sait créer la vie à partir du néant ?

Stéphane, le 31 janvier 2018

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À propos du voile

Ce texte est dédié à toutes les femmes de bonne volonté.

L’héritage catholique qui a bâti la France est aujourd’hui totalement méprisé, à tort et au détriment de notre belle nation. Nous essayerons toutefois de nous limiter à la problématique du voile. Le voile est ouvertement méprisé par tous ceux qui veulent que la civilisation entre dans l’ère du tout-numérique après avoir aboli toute forme de religion et de sagesse.

Bien évidemment, la religion catholique est celle qui est ouvertement mise à mort par les toréadors de la finance apatride internationale. Pourquoi ? Parce que l’héritage du Christ et de Ses commandements dérange le plan de Satan. Nous ne le répéterons jamais assez, ceux qui veulent s’élever au-dessus de l’humanité, grâce à leurs milliards et à la technologie eugéniste, ont besoin d’esclaves et non pas d’hommes vaillants, libres et réfléchis.

La phrase « aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimé » les empêche d’instaurer leur civilisation transhumaniste qui est basée sur l’esclavage et la tyrannie. Gorgés d’orgueil, ces sinistres individus se considèrent comme les maîtres du monde. Pourtant qu’est-ce qui les différencie de nous ? Rien puisqu’ils sont mortels. Ils espèrent seulement que la technologie leur permettra de s’élever au-dessus de l’humanité.

Pour en revenir au voile, il est évident que celui-ci est un frein au transhumanisme. Pourquoi ? Parce que le voile est réservé à la femme. Or, le but du système est d’instaurer une égalité tyrannique entre les hommes et les femmes afin d’en faire des êtres identiques, et ce dans le but de détruire la procréation naturelle. Ceci aurait pour effet de favoriser l’eugénisme et la marchandisation de l’être humain, c’est-à-dire la vente d’enfants conçus en laboratoires. Par conséquent, les religions monothéistes sont un frein à l’instauration de l’ère transhumaniste dans laquelle les individus ne seraient plus autorisés à parler de sexe féminin et masculin pour se soumettre à la tyrannie cybernétique. Les tyrans souhaitent imposer l’implant de puces électroniques dans le but de nous soumettre à un système totalitaire.

Le féminisme est une hérésie qui fait partie de l’idéologie transhumaniste. Selon celle-ci, la femme doit se désolidariser de l’homme dans le but d’être totalement libérée de tout joug. Ainsi, le féminisme favorise l’orgueil, la sensualité outrancière, la mise à mort des enfants conçus naturellement et l’idolâtrie odieuse de l’argent. Le féminisme est destructeur de l’ordre naturel, de la famille et de l’héritage catholique de notre passé.

Toute femme chrétienne qui porte le voile est une résistante au transhumanisme puisqu’elle refuse de perdre son identité et de se fondre dans la masse informe des soumis. Pour aller plus loin, dès qu’une femme porte le voile dans un signe d’amour de Dieu, de pureté et de reconnaissance de la maternité, elle se fait semblable à la sainte Vierge Marie. Certes, Jésus-Christ a été conçu dans une virginité parfaite, mais, la maternité reste sublime parce qu’elle annonce la survie de l’espèce humaine dans sa naturalité et sa reconnaissance envers Dieu, créateur de toute chose.

Toute modification de l’espèce humaine engendrerait des monstres et des abominations dignes des pires cauchemars. Dieu a créé dans Sa sagesse un monde parfait. Il est inconcevable que des suppôts de Satan se permettent de modifier notre patrimoine génétique. Nous devons résister de toutes nos forces au monde infernal qui vient.

Notre devoir est de prier, de lire et de réfléchir aux moyens de sauver l’humanité. Nous n’avons pas le droit de rester dans un mutisme qui nous rendrait comparables à des animaux en cages. L’être humain a la possibilité de maîtriser son esprit s’il s’en donne la peine. Évidemment, c’est difficile, mais, ce sera bientôt nécessaire pour notre survie.

Toute femme chrétienne et catholique devrait porter le voile léger en signe d’acceptation de Dieu et de refus de se soumettre à la doctrine du mal. Une femme pudique est une femme sage. Il est temps de mettre un terme aux comportements malsains afin de stopper l’arrivée du totalitarisme technologique.

Lien vers le fichier PDF : https://lafrancechretienne.files.wordpress.com/2018/03/a_propos_du_voile.pdf

La disparition de l’esprit français ou l’esclavage numérique

Voici un texte, rédigé en 1937, de Louis BERTRAND qui nous place devant nos responsabilités contemporaines : l’esprit français dont il se faisait si fier est en train d’être complètement anéanti par les ennemis du catholicisme, par les ennemis de Dieu. Texte à méditer et à considérer sous l’angle de l’esclavage numérique à venir !

N’étant pas autorisé à reproduire le texte publié sur le site de l’académie française, je vous invite à le lire directement sur leur site internet

Lien vers l’article intitulé « l’esprit français, discours prononcé à Québec, le 28 juin 1937 par M. Louis BERTRAND, délégué de l’académie française »

Les dégâts du féminisme

Voici une parabole sur le féminisme, en hommage aux fables de Jean de la Fontaine. Les choses contemporaines, très sensibles, sont plus abordables sous cette forme subtile.

« Par un beau jour, dans une verte prairie, les brebis devinrent folles,
Elles mordirent sévèrement les moutons pour les faire reculer,
Leurs cris de colère emplissaient les champs autrefois si paisibles,
Stupeur et étonnement vinrent frapper le camp des moutons,

Elles revendiquaient la gloire du lait et de ses produits dérivés,
Afin que les bénéfices leur reviennent en totalité,
Aveuglées par l’orgueil, elles se sentaient flouées par l’organisation naturelle,
Dans cette affaire nouvelle, les moutons n’avaient plus aucun mot à dire,

Les champs si verts se vidèrent de leurs pacifiques occupants,
Au point de remplir les forêts de deux camps ennemis,
D’un côté les brebis furieuses vociféraient, les mamelles impudiques et le regard colérique,
De l’autre, les moutons atterrés se tenaient silencieux, la tête basse que le courage agace,

De ce drame sans nom, que de terribles conséquences,
Les moutons ne se reproduisaient plus avec les brebis,
De peur de subir les cruelles morsures de ces femelles enragées,
Qui voulaient se faire plus mâles que les moutons eux-mêmes,

L’égalité forcenée n’est pas une qualité,
Une brebis ne pourrait être un mouton,
Un mouton ne saurait être une brebis,
Sinon qui élèverait les petits ?

Qui est à l’origine de l’orgueil sinon l’esprit malin,
Les lois naturelles sont celles du Père,
La rébellion est seulement faite pour les trublions,
Pour triompher, le loup ravisseur distille son poison,

Des individus aux allures de loups se frottaient les griffes,
Cette rébellion entamée leur permettait d’engranger des bénéfices,
Ils allaient vendre des agneaux de terre cuite,
Pour se faire de l’argent sur les brebis enragées,

Les artisans rusés aux dents acérées faisaient chauffer les tours de potier,
Les agneaux d’argiles prenaient forme,
Bien alignés dans les ateliers,
Pendant que les brebis vociféraient dans la forêt,

Les loups rusés échangèrent leurs agneaux factices,
Contre le bon lait de ces brebis aveuglées,
Pendant que la population ovine décroissait,
Le camp des moutons se fragilisait,

Les rébellions ouvertes servent d’autres intérêts,
Qui ne sont compréhensibles qu’aux moins naïfs,
Une brebis enragée ne discerne rien,
Tandis qu’un mouton abattu n’en sait guère plus,

Si les loups possédaient les moyens techniques,
Ils auraient bien créé des agneaux en laboratoires,
Pour les vendre aux brebis les plus fortunées,
Et enrichir silencieusement les ravisseurs,

Transposez maintenant ce petit conte aux êtres humains,
Et vous vous apercevrez d’une réalité aujourd’hui négligée,
Les femmes grondent et se rebellent,
Pendant que les hommes subissent les décibels,

Posez-vous la question de l’identité des loups,
N’allez pas accuser n’importe qui,
Car l’injustice asservit l’humanité,
C’est pourquoi il faut bien savoir discerner,

Ceux qui ont soif d’argent sont prêts à tout,
Semer le trouble en détruisant la paix,
Répandre des idées fallacieuses,
Afin que la victoire politique et financière leur reviennent,

Qui est ennemi du Bien Suprême ?
Si ce n’est le même assassin,
Qui au temps d’Adam et Ève,
Charmait déjà la femme,

Ne voyez pas ici un pamphlet,
Puisque rétablir la vérité est notre devoir,
Avant que les générations suivantes,
Ne trébuchent définitivement dans le piège du loup. »

Lien vers le fichier PDF : https://lafrancechretienne.files.wordpress.com/2018/01/les_degats_du_feminisme.pdf