Les dogmes orthodoxes du catholicisme

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Voici un nouvel article qui est tiré de l’indispensable ouvrage de l’abbé de Broglié, « Dieu, la conscience, le devoir ».

« L’amour du bien, du vrai et du beau », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 43 à 44

« Puis viennent l’amour du bien, du beau et du vrai.

L’amour du bien se nomme aussi sentiment du devoir ; il se rattache à la conscience morale, et sert de mobile aux bonnes actions.

L’amour de la beauté est peut-être le sentiment le plus général et le plus puissant qui existe dans le cœur humain ; il est inspiré par tous les genres de beautés, depuis la beauté physique des corps jusqu’à celle des idées pures.

L’amour du vrai, enfin, est si puissant sur le cœur des hommes que Virgile a pu louer les héros qui ont sacrifié leur vie pour la vérité : Vitam impendere vero. C’est aussi cet amour du vrai qui inspire les efforts courageux des savants qui cherchent à découvrir les lois de la nature ou qui pénètrent les premiers dans des pays inconnus.

Nous devons enfin mentionner un sentiment très puissant d’une espèce particulière, qui se trouve chez tous les peuples ; c’est le sentiment religieux. Le propre de ce sentiment, c’est que les objets auxquels il se rapporte sont à la fois invisibles et concrets. C’est un être personnel, le Dieu suprême, ou bien d’autres êtres surnaturels et invisibles ; ce sont les âmes des défunts, c’est une nouvelle vie après la mort, qui sont les objets de la religion.

Le sentiment religieux réunit en lui-même les caractères des affections personnelles, et ceux de l’amour des idées immatérielles. Dans les dogmes et dans la morale religieuse se trouvent les idées du beau, du vrai et du bien ; mais ces idées se rapportent à de véritables personnes, à un monde de réalités invisibles.

Les idées religieuses se manifestant sur la terre sous forme de sociétés visibles, le sentiment religieux devient l’amour d’un culte et d’une église particulière ; il devient alors, comme le patriotisme, un sentiment inspiré par une idée collective. On voit combien sont variés les objets qui provoquent dans notre âme cet ordre d’émotion que nous avons appelé sensibilité morale.

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Il y a enfin des objets qui ont un rapport avec les croyances religieuses, et qui peuvent ainsi être l’objet de notre amour par reflet du sentiment religieux ; ce sont les objets bénits et consacrés, ou les symboles des idées religieuses.

Dans tous ces cas, les objets matériels ne sont aimés et haïs que d’une manière indirecte, par l’effet de l’amour de nous-même, de celui des autres personnes, de l’amour de la beauté ou du sentiment religieux.

Ces objets peuvent-ils être aimés directement pour eux-mêmes ? La réponse semble devoir être négative. Dépouillez les objets matériels de toute utilité, de toute beauté, de tout rapport avec une personne déterminée, et de tout caractère religieux, et vous les dépouillerez par là même de toute influence sur le cœur humain. Ce ne seront plus que de simples objets de perception, que la science pourra classer et comparer, mais qui laisseront la partie sensible de l’âme dans une complète indifférence. »

« Le plaisir, l’intérêt et le devoir », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 46 à 47

« L’homme peut choisir, mais il ne choisit pas au hasard. Avant de choisir, il délibère ; cette délibération porte sur les motifs de ses actions. Il examine s’il doit agir de telle manière, si cela est bien, si cela est utile, si cela est honorable, si cela est agréable.

Les motifs de faire telle ou telle action sont fournis par la raison. Ils se ramènent, en général, à trois motifs principaux, le plaisir, l’intérêt et le devoir.

Le plaisir, c’est notre propre jouissance, notre jouissance actuelle.

L’intérêt, c’est le bonheur considéré dans l’avenir, ce sont les conséquences éloignées, heureuses ou malheureuses, de nos actions.

Le devoir est un motif à part, c’est le bien absolu ; c’est l’idée qu’une action est obligatoire ou défendue, qu’il est bien ou mal en soi de la faire. Le devoir peut être poursuivi indépendamment du plaisir ou de l’intérêt. Fais ce que dois, advienne que pourra, telle est la maxime du devoir pur.

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Mais il y a un cas tout différent : c’est celui où l’homme choisit non entre deux moyens, mais entre deux fins, c’est-à-dire entre deux objets désirables par diverses raisons, mais d’espèce et de nature différentes.

Tel est le choix entre le plaisir et le devoir. Le plaisir est agréable, le devoir est bon en soi. Aucune comparaison, aucune balance ne peut être établie entre deux motifs de nature si différente. Agréable, obligatoire sont deux idées diverses, comme le seraient la longueur et le poids d’un objet. On ne saurait dire lequel est le plus grand, le plus fort ni le meilleur entre un mètre et un kilogramme ; on ne saurait dire non plus lequel est le plus fort du motif du plaisir et de celui du devoir. Le plaisir est plus fort aux yeux de celui qui cherche sa jouissance ; le devoir est plus fort aux yeux de celui qui veut être vertueux. (Note du blog la France chrétienne : la recherche de jouissance est la plaie du XXIe siècle).

Mais la détermination entre ces deux désirs, de jouir ou d’être vertueux, se fait par la volonté elle-même. »

« Les vertus et les vices », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 49

« Le jeu de la volonté libre ne subit pas seulement l’influence de la sensibilité, il est aussi modifié par l’habitude.

Les habitudes intellectuelles et morales sont analogues aux habitudes corporelles. Ce sont également des tendances et des facilités à agir, produites par des actes répétés.

L’homme fait plus facilement ce qu’il a fait souvent : il accomplit plus difficilement les actes qui sont nouveaux pour lui.

La liberté, cependant, n’est pas détruite. Elle peut réagir contre les habitudes et en triompher.

Elle peut aussi se servir de la force de l’habitude pour parvenir à ses fins.

En répétant courageusement des actes difficiles, l’homme acquiert plus de facilité à les faire. Il acquiert ainsi une force dont sa liberté peut disposer.

Les bonnes habitudes morales se nomment vertus. Les vertus ne s’acquièrent que par des efforts répétés et persévérants.

Les mauvaises habitudes morales se nomment vices ; ils se produisent naturellement, lorsque la volonté s’abandonne aux passions prédominantes. »

« Les lois de l’association des idées », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 50 à 52

« La volonté exerce aussi son action sur l’intelligence. Elle dirige notre esprit et le fixe sur certains objets. Cette application de la volonté à l’intelligence porte le nom d’attention.

L’attention est souvent pénible ; nous avons de la peine à maîtriser et à diriger nos pensées ; il y a des distractions involontaires.

Les distractions ou les pensées non dirigées par l’attention proviennent de deux causes ; elles naissent, d’une part, des perceptions d’objets extérieurs et des sensations physiques qui interviennent au milieu de nos occupations.

Elles proviennent également d’une évolution interne et involontaire de nos pensées qui se succèdent l’une à l’autre et dont chacune provoque la naissance de la suivante. Ainsi la pensée d’un soldat rappelle celle de la guerre ; celle-ci, celle d’une blessure, d’un hôpital ; de là nous passons à l’idée d’une sœur de charité ; cette idée nous fait penser au dévouement, à la religion, à Dieu, et ainsi de suite.

Ce mouvement involontaire et continu de nos pensées est soumis à des lois très compliquées et très difficiles à déterminer que l’on nomme lois de l’association des idées. Les idées se succèdent souvent suivant leur ressemblance ; quelquefois une idée provoque l’idée contraire ; d’autres fois une idée est suggérée par un détail d’une idée précédente ; quelquefois c’est le son des mots qui fait naître une pensée inattendue.

L’attention ou la pensée volontaire est obligée de lutter contre ce mouvement irrégulier de la pensée. Elle le fait souvent en se servant des lois même de l’association des idées. Les objets matériels qui nous entourent nous rappellent les pensées sur lesquelles notre attention doit se fixer. En disposant convenablement comme des jalons ou des points de repère ces objets, en plaçant notre corps (qui obéit à la volonté mieux que l’esprit) dans le voisinage de certains objets ou en lui faisant prendre certaines attitudes, nous amenons notre intelligence vers certaines pensées et nous la fixons sur les objets qu’elle doit examiner.

L’attention n’est pas la seule action de la volonté libre sur l’intelligence. Elle agit aussi sur le jugement.

Il y a certains jugements tellement évidents qu’ils sont involontaires. Tels sont les axiomes ou les jugements qui résultent de la perception.

Mais il en est d’autres que l’intelligence ne prononce qu’après examen et d’une manière réfléchie. Dans ce cas, il dépend de notre volonté soit de suspendre notre jugement et de continuer l’enquête sur la vérité, soit même de suspendre notre jugement sans continuer la recherche et en détournant notre esprit vers un autre objet, soit au contraire de prononcer un jugement, d’affirmer une opinion, de déclarer que tel fait existe ou n’existe pas.

Cette action libre de la volonté sur l’intelligence engage notre responsabilité. Il peut y avoir faute à juger avec précipitation, à juger témérairement, surtout quand il s’agit du prochain. Il peut, au contraire, y avoir faute à suspendre trop longtemps son jugement, à rester dans le doute ou la défiance. »

« La double sensibilité morale », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 53

Mais il y a aussi des mouvements de cœur, des sentiments ou des affections qui sont délibérés, qui résultent de l’union de l’affection spontanée avec la volonté libre.

Les mouvements délibérés peuvent être méritoires ou coupables ; il y a de bonnes, de saintes affections ; il y a des affections mauvaises.

Le rôle de la volonté consiste à choisir parmi les mouvements spontanés du cœur, à adopter les uns, à les embrasser et à s’y complaire, à repousser et à réprimer les autres.

Quand la volonté accomplit ce choix avec le devoir pour règle, elle rend le cœur bon ; les bons sentiments se développent, les sentiments qui deviendraient coupables, s’ils étaient volontaires, sont réprimés ; il n’en reste que les premiers mouvements qui ne dépendent pas de nous.

Quand, au contraire, la volonté s’abandonne aux passions mauvaises, ces mouvements, qui n’étaient pas répréhensibles tant qu’ils étaient spontanés, deviennent coupables par l’adhésion de la volonté ; ils se développent et le cœur se corrompt, tandis que les bons sentiments sont réprimés et s’affaiblissent.

Il y a donc une double sensibilité morale, l’une indélibérée, qui précède l’action de la volonté ; l’autre délibérée, qui en est la conséquence. C’est cette dernière seule qui engage la responsabilité de l’homme et le rend vertueux ou coupable, digne de blâme ou d’éloge. »

« Distinction de l’âme et du corps », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 55 à 57

« Lorsque nous faisons un mouvement à la suite d’une sensation ou pour parer à un danger, c’est le même être qui éprouve la sensation et qui ordonne le mouvement ; c’est celui qui craint qui prend une précaution. Partout se retrouve l’unité, partout dans l’âme la diversité aboutit à un centre unique.

De plus, ce centre est durable. L’âme est identique. Elle se reconnaît elle-même lorsqu’elle se souvient de son passé. Cette identité est d’autant plus évidente que nos pensées, nos sensations, nos facultés, notre caractère sont plus différents suivant les époques de notre vie. C’est au milieu d’un immense changement de propriétés, de phénomènes, d’habitudes, de circonstances, que notre moi se retrouve lui-même, se sent le même être.

Cette identité durable de l’âme peut encore être démontrée par une de ses conséquences. Nous nous sentons responsables de nos actes passés. Nous sentons qu’ils peuvent nous être imputés à juste titre, que nous devons souffrir pour expier nos mauvaises actions, qu’il est juste que le bonheur soit la récompense de nos bonnes œuvres.

Or, la responsabilité serait-elle concevable si l’être qui a agi hier n’était pas le même que celui à qui on demande compte de son acte aujourd’hui ? Si le condamné était un autre individu que l’assassin, toute condamnation serait injuste.

Notre identité est donc aussi certaine à nos propres yeux que la justice des châtiments et des récompenses est certaine pour notre conscience.

Centre unique et identique, l’âme n’est point une abstraction, une pure idée, comme le serait une ligne ou un point géométrique. Elle est une force, une activité constamment en exercice, se sentant toujours agir. Elle agit spontanément : sous l’influence de ses sensations, de ses pensées, de ses désirs, l’âme produit de nouveaux sentiments, de nouvelles pensées, de nouveaux désirs ; son activité se traduit dans son corps par des mouvements.

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Il y a en l’homme deux êtres, le corps, et l’âme qui fait vivre le corps, qui sent, qui veut et qui pense.

Cette âme, distincte du corps entier, serait-elle identique à un des organes du corps, au cerveau, par exemple ?

Nullement. Le cerveau est multiple, il est un composé de molécules. Le cerveau n’a pas d’identité, ses molécules se renouvellent et se substituent les unes aux autres. Le cerveau, simple masse de chair, est aussi incapable de liberté et d’intelligence que le corps entier.

Distincte du corps, distincte du cerveau, l’âme serait-elle une matière subtile, un souffle, comme l’ont cru les anciens ?

Cela est encore impossible. Une matière subtile est toujours composée de molécules ; un souffle n’est autre chose que l’assemblage d’un certain nombre d’atomes de gaz ; ces atomes se meuvent passivement d’après les lois de la mécanique. Il n’y a encore rien là qui puisse être le support de l’unité, de l’activité, de la liberté, de l’intelligence de notre âme.

Il faut donc conclure que l’âme est un être d’une espèce particulière, un cire différent par nature du corps, un être immatériel, invisible et intangible.

On objecte à cette idée qu’on ne voit pas l’âme, d’où on conclut qu’elle n’existe pas.

Cette objection est frivole. On ne voit pas l’âme, non parce qu’elle n’existe pas, mais parce qu’elle est invisible par nature.

On ne voit pas l’âme, mais on la sent par la conscience. Elle ne tombe pas sous les sens extérieurs, mais elle est saisie par le sens intérieur.

Chaque espèce de phénomènes ou d’êtres est perceptible selon sa nature par divers procédés.

On ne voit pas les sons ; on n’entend pas les couleurs ; de même on n’entend ni ne voit l’âme, mais on la sent intérieurement.

On la voit aussi et on l’entend, mais d’une manière indirecte, au travers du corps qu’elle anime. En présence d’un homme vivant, nous sentons que nous sommes en rapport avec une personne, avec un être individuel.

En présence d’un cadavre, nous sentons qu’il n’y a personne, que l’être individuel a disparu, qu’il n’y a plus que des éléments matériels.

On raconte qu’un matérialiste, auprès du lit de mort d’un agonisant, dit à un de ses amis, un instant après la mort : « Avez-vous vu passer l’âme ? » A quoi l’autre répondit : « Avez-vous vu passer la vie ? »

Aux yeux d’un observateur impartial et de bon sens, quand un être plein de vie, d’amour, en pleine possession d’une volonté énergique, vient à être remplacé par un cadavre inerte, quelqu’un a disparu ; il y a eu soit départ, soit destruction d’un être. Il n’y a pas eu une simple modification de la matière. »

« Union de l’âme et du corps », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 57 à 58

« L’âme est donc distincte du corps. C’est un autre être, de nature différente.

Mais faut-il croire qu’il n’y ait entre l’âme et le corps qu’une union accidentelle, que l’âme ne soit dans le corps que comme un prisonnier dans une cage, comme un pilote sur un bateau ?

Nullement. Ce serait une très grave erreur. Si l’âme est distincte du corps, elle lui est étroitement unie ; elle est avec lui dans des rapports très intimes. Il y a un grand nombre de phénomènes qui sont produits par l’âme et le corps à la fois et leur appartiennent à tous deux.

Toutes les excitations du système nerveux, propagées jusqu’aux centres nerveux, ont leur retentissement dans l’âme. La plupart des opérations de l’âme sont accompagnées de mouvements cérébraux qui se transmettent aux nerfs moteurs et se traduisent par des mouvements perceptibles de l’organisme.

L’expérience prouve d’autre part que toutes les opérations de l’âme ont pour condition l’état sain du cerveau, et sont troublées quand il y a une lésion de cet organe. Certains savants croient pouvoir aller plus loin, et démontrer qu’il y a certaines régions du cerveau qui correspondent aux diverses facultés de l’âme, mais ces derniers résultats sont incertains.

La conséquence de ces faits d’expérience n’est nullement que l’âme n’existe pas, ni que l’âme se confonde avec l’organe matériel du cerveau. Elle est simplement qu’il existe entre l’âme et l’organe une union très étroite, que l’homme est un être double quant aux principes qui le constituent, mais unique quant à sa personne qui est composée du corps et de l’âme.

Cette union de l’âme et du corps est inexplicable. Mais ici encore nous devons faire ce que nous avons déjà fait : accepter les faits qui sont prouvés et nous résigner à ignorer ce que nous ne pouvons connaître. L’âme existe à titre de principe un, simple, identique, et actif ; la conscience l’atteste. Le corps existe, à titre d’assemblage multiple de molécules ; les sens l’attestent. La raison prouve que l’âme simple n’est pas identique au corps multiple. L’expérience prouve que la plus étroite union existe entre ces deux principes. A côté de ces résultats certains se posent des problèmes insolubles. Quelle est la nature de

l’âme ? Comment est-elle unie au corps ? La sagesse veut que nous ne mettions pas en question, ce qui est connu et certain, à cause de difficultés ultérieures que nous ne pouvons résoudre. »

« Les trois vies de l’homme », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 58 à 59

« Connaissant maintenant ce qu’est l’homme, nous pouvons jeter un coup d’œil d’ensemble sur les phénomènes qui s’accomplissent en lui.

On peut ramener ces phénomènes à diverses classes, que l’on peut considérer comme divers degrés de vie. Il y a dans l’homme la vie végétative, la vie sensitive et la vie rationnelle et morale.

La vie végétative se compose des fonctions de nutrition, de digestion, de circulation du sang, etc. Il est probable que l’âme intervient dans ces phénomènes à titre de principe vital du corps et de lien entre les éléments qui le composent. Ce qui est certain, c’est que ces fonctions cessent quand l’âme a quitté le corps. Ces phénomènes sont inconscients, ou dû moins la conscience en est très vague.

La vie sensitive se compose principalement des sensations physiques et des mouvements. On peut y joindre la perception des corps extérieurs et une certaine connaissance des personnes produisant des affections personnelles et des passions. Cette vie est commune à l’homme et aux animaux. L’âme opère les fonctions de cette vie, mais en union avec le corps d’une manière très étroite.

La vie rationnelle et morale est propre à l’homme. Elle comprend la connaissance des idées générales, celle des principes de la raison, le sentiment du devoir et l’exercice de la liberté.

Les opérations de cette vie sont purement spirituelles ; elles sont l’œuvre de l’âme seule ; néanmoins l’âme est toujours liée à l’organisme et n’agit qu’avec le concours du cerveau ou du moins sous la condition que cet organe soit dans son état normal.

La vie rationnelle et morale est évidemment supérieure aux deux autres qui lui sont subordonnées.

Il y aurait désordre à donner la première place à la vie sensitive ou à la vie végétative.

Pour maintenir ces vies inférieures dans leur rang, il faut les discipliner et réprimer leurs appétits. C’est l’œuvre de la volonté qui doit créer des habitudes contraires aux appétits désordonnés. C’est une des grandes tâches de l’éducation.

Mais, en réprimant et en disciplinant ces vies inférieures, il ne faut pas les détruire ni les affaiblir outre mesure, car elles sont nécessaires à l’homme pour l’accomplissement de sa destinée. Il y a sur ce point une mesure à garder. »

« L’obligation morale », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 60 à 62

« Toute la morale repose sur un fait fondamental et primordial.

Ce fait consiste en ce que les hommes se sentent obligés à faire certaines actions et à en omettre d’autres, bien que cependant ils ne soient pas contraints, et qu’ils aient la puissance de faire, s’ils le veulent, ce qui leur est défendu, ou d’omettre ce qui leur est prescrit.

Il faut faire le bien ; il ne faut pas faire le mal.

Il y a un bien qu’il faut faire qui est obligatoire.

Le mal ne doit pas être fait ; il est prohibé.

Le bien qu’il faut faire, le bien obligatoire s’appelle le devoir, parce qu’on doit le faire.

Tel est le témoignage de la conscience de tous les hommes sans exception.

Si l’on effaçait cette vérité de la conscience, toute la morale s’écroulerait.

Ce fait fondamental mérite une étude approfondie ; nous devons chercher quelles sont les idées qu’il contient et qu’il implique. Toute la morale doit en sortir.

Observons d’abord la différence fondamentale qui existe entre l’obligation et la contrainte.

Au premier abord, ces deux notions se ressemblent. Toutes deux indiquent un lien, une direction dans un certain sens, un obstacle à marcher dans un autre sens. Toutes deux s’expriment par une même métaphore matérielle ; être lié, être traîné, tiré dans un sens, retenu dans un autre.

Néanmoins il y a une profonde différence. L’être contraint ne peut absolument agir en sens opposé à la contrainte. L’être obligé peut le faire, mais ne le doit pas.

Attachez un homme à un arbre avec une chaîne qu’il ne puisse pas rompre, et qui ne lui permette de s’en éloigner que de trois pas ; quelques efforts qu’il fasse il ne pourra pas s’éloigner de l’arbre.

Laissez l’homme libre ; tracez un cercle autour de l’arbre, persuadez-lui qu’il doit rester près de l’arbre, qu’il y est obligé, que c’est son devoir. L’homme pourra franchir le cercle ; il en aura la capacité physique. Néanmoins il ne pourra le faire qu’en manquant à son devoir, il sera retenu par un lien moral.

Un vieux vers latin proverbial exprime cette ressemblance entre les lois qui lient la liberté et les liens physiques :

Nos proecepta ligant, taurorum comua funes,

« nous sommes liés par les préceptes, comme les cornes des taureaux sont liées par des cordes. »

La contrainte détruit la liberté physique d’agir ; l’obligation la laisse subsister.

Mais en revanche la contrainte n’agit pas sur la volonté ; elle n’empêche pas l’homme attaché de vouloir s’éloigner.

L’obligation s’adresse au contraire à la volonté, et lui prescrit ce qu’elle doit vouloir ; néanmoins elle ne la force pas.

Après avoir distingué l’obligation morale de la contrainte, il importe de la bien distinguer de l’attrait du plaisir, de la crainte et de l’intérêt.

Considérons encore un homme placé, cette fois, non plus auprès d’un arbre, mais auprès d’un foyer et supposons que la température soit cruellement froide. Cet homme est retenu auprès du foyer par l’attrait de la chaleur. Il n’est pas contraint physiquement ; il est retenu par un attrait intérieur. Mais est-il obligé moralement ? Nullement, il pourrait s’écarter d’auprès du feu sans commettre de faute. Dans certaines circonstances même il devra le faire : il sera obligé à s’écarter, tandis qu’il sera retenu par l’attrait de la chaleur.

La même analogie peut s’appliquer au cas où il s’agirait de la crainte d’un danger. Qu’un homme sache qu’au delà de telle limite il sera exposé à l’attaque d’un animal furieux, ou qu’il pourra être atteint par des projectiles, il ne dépassera pas la limite. Mais c’est alors la crainte, ce n’est pas le devoir qui le retient. Ce qui le prouve c’est que, dans certains cas, c’est le devoir même qui oblige à braver le danger.

Ainsi, outre le lien physique de la contrainte, il y a encore deux liens d’espèce distincte qui agissent sur l’homme : l’un, celui du plaisir ou de la crainte ; l’autre, celui de l’obligation morale ou du devoir.

L’obligation morale est donc un fait spécial, un fait sui generis, distinct des autres faits psychologiques, distinct de la crainte, de l’attrait du plaisir et de l’intérêt.

C’est un fait d’un autre ordre, qui n’a pas de proportion avec les autres. Le devoir est absolu : il doit être accompli atout prix ; au prix même de notre vie. Il serait absurde de sacrifier sa vie pour un plaisir ou pour un intérêt personnel ; car en perdant la vie, on perdrait en même temps le bien auquel on la sacrifie. Il est au contraire raisonnable de sacrifier sa vie pour le devoir. »

« La sanction méritée », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 62 à 63

L’idée de l’obligation ne va pas seule. Elle entraîne nécessairement d’autres idées à sa suite.

Celui qui fait son devoir mérite par là deux choses, l’estime des hommes et une récompense.

Celui qui manque à son devoir est digne de mépris et mérite un châtiment.

Ces idées sont encore universelles et primitives. De même que tous les hommes ont l’idée du bien qu’il faut faire et du mal qu’il ne faut pas faire, tous ont l’idée qu’il est juste que le bien soit récompensé et le mal puni.

Les idées de mérite et de démérite accompagnent partout celles de bien ou de mal moral.

Observons en quoi cette nouvelle idée consiste.

Elle établit entre le bien et la récompense, entre le mal et le châtiment un lien de droit, un lien de justice, un lien analogue à celui de l’obligation morale elle-même.

De même que l’homme doit faire le bien et éviter le mal, de même le bien doit être récompensé et le mal doit être puni.

L’un et l’autre lien subsistent lors même que les faits leur seraient contraires. Bien qu’en fait l’homme puisse faire et fasse souvent le mal, il doit toujours faire le bien. L’obligation peut être violée, elle ne s’affaiblit pas.

De même l’homme qui a fait le bien peut n’être pas récompensé ; il peut souffrir et être méprisé, il n’en a pas moins droit à être récompensé.

L’homme qui a fait le mal peut éviter le châtiment ; il peut être heureux sur la terre ; il n’en est pas moins juste qu’il soit puni ; il doit toujours être puni, bien qu’il ne le soit pas.

Comme ce lien est absolu, il est universel ; toutes les bonnes actions doivent être récompensées ; toutes les mauvaises actions doivent être punies.

Cette observation prouve que cette idée de la sanction méritée ne vient pas de l’expérience. L’expérience, en effet, nous montre très souvent le fait contraire au droit, la vertu privée de sa récompense, le vice évitant le châtiment.

Ce n’est donc pas au dehors, c’est au dedans de nous-même, dans notre conscience que nous trouvons cette conviction indestructible : le bien doit être récompensé, le mal doit être puni. »

« Caractère désintéressé du devoir », extrait de « Dieu, la conscience et la morale ». Page 65 à 67

« Le motif du devoir, quand on le considère lui-même, et abstraction faite de la sanction qui en est la conséquence, est éminemment désintéressé.

Faire son devoir, c’est faire le bien, le bien absolu en soi, et non chercher son propre bien.

Fais ce que dois, advienne que pourra, telle est la maxime du devoir.

Il semble que l’idée de la sanction modifie ce caractère du devoir. Il semble, au premier abord, que du moment que le bien mérite une récompense et doit l’obtenir, et que le mal doit être et sera puni, le bien ne soit plus fait pour lui-même, mais pour la récompense et que le mal ne soit évité qu’à cause du châtiment.

Mais un examen plus attentif de l’idée de la sanction montre qu’il n’en est rien. Bien loin d’affaiblir le caractère désintéressé du bien, l’idée de la sanction l’implique en elle-même et ne saurait en être séparée.

Qu’est-ce, en effet, que la sanction ? C’est la récompense ou le bonheur mérité. C’est le châtiment ou le malheur justement encouru.

Mais comment le bonheur peut-il être mérité, si ce n’est par celui qui a fait le bien ? Avant d’avoir droit à la récompense, il faut avoir été vertueux.

Comment le malheur peut-il être juste, si ce n’est parce que celui qui l’encourt a fait le mal ? Avant d’être exposé au châtiment, il faut avoir été coupable.

Faire le bien et faire le mal, être vertueux ou être coupable, sont donc des faits antérieurs logiquement à l’idée de récompense et de châtiment, et par conséquent indépendants de cette idée.

Poursuivre une récompense, c’est se dire : je vais d’abord faire le bien, et je serai récompensé.

Craindre un châtiment, c’est se dire : cette action est mauvaise, et ensuite, si je la fais, je serai puni.

Éclaircissons ces idées par des exemples : Un homme voit un de ses semblables qui est près de se noyer ; il se jette à l’eau pour le sauver. Il peut faire cet acte sans penser aux conséquences, d’une manière purement désintéressée. Mais il peut aussi se dire : Je le sauverai et j’aurai pour récompense l’estime de mes semblables. Son acte sera peut-être moins purement désintéressé, cependant par le fait qu’il cherche une récompense, il cherche d’abord à faire un acte vertueux. Le bonheur qu’il espère est uni au bien moral dont il doit être la conséquence.

Voici, au contraire, un homme qui ne pense qu’à acquérir des richesses par tous les moyens. Il se jette également à la nage, mais pour s’emparer d’un objet précieux placé sur l’autre rive du fleuve, sans s’informer si cet objet a un propriétaire, s’il lui est permis de l’acquérir.

Que cherche cet homme ? Une récompense ? Nullement, il cherche simplement une richesse, un bonheur temporel, sans aucun rapport avec le bien.

Son acte est-il semblable à celui du premier ? Nullement. Celui qui s’est jeté à l’eau pour sauver un homme cherchait un bonheur, mais un bonheur mérité par une action bonne ; l’autre cherche un bonheur quelconque.

Et où se trouve la différence entre l’un et l’autre ? Précisément dans cette idée du bien absolu, du bien en soi, de l’action qui est un devoir, idée que le premier poursuit et à laquelle le second est étranger.

La récompense diffère donc du profit, du gain, du simple bonheur, en ce qu’elle est méritée par le bien, c’est-à-dire en ce que, même en la poursuivant, l’homme qui la cherche a l’idée désintéressée du bien.

Voici maintenant un homme armé qui, rencontrant un autre homme au coin d’un bois, se dit : Si je le tue, je ferai mal et je serai puni. Il évité l’action mauvaise par crainte du châtiment.

Un autre homme se trouvant à la guerre, en face des ennemis de sa patrie, se cache en se disant : Si je me montre, je serai tué.

Comparons les actions de ces deux hommes.

Tous deux craignent un mal et évitent de faire une action par cette crainte.

Mais le premier craint un châtiment, le second ne craint qu’un malheur. Le premier évite une action, parce qu’étant mauvaise elle sera punie ; le second omet une action noble et généreuse, parce qu’elle l’expose à une souffrance.

Le premier, évidemment, affirme l’idée du bien et du devoir ; le second n’en tient pas compte. Le premier agit par conscience ; le second ne fait qu’un acte de prudence.

Ainsi l’idée du bien désintéressé est fait pour lui-même, et l’idée du bien récompensé, bien loin de se contredire et de s’exclure, sont au contraire étroitement unies entre elles. A quelque hauteur dé désintéressement que l’on s’élève, il est impossible de faire disparaître l’idée que le bien mérite une récompense et qu’il doit la recevoir. En revanche, du moment qu’on cherche une récompense et non un profit, qu’on craint un châtiment juste et non un malheur On affirme l’idée du bien absolu, et on agit déjà par un sentiment en partie désintéressé.

Tel est le grand fait, constaté d’une manière universelle par la conscience de tous les hommes. On peut le résumer en quatre assertions.

L’homme se sent, par sa conscience, obligé, bien que non contraint, à faire certaines actions appelées bonnes et à en éviter d’autres appelées mauvaises.

Les bonnes actions méritent une récompense. Les mauvaises méritent un châtiment.

La récompense et le châtiment mérités par les bonnes et les mauvaises actions doivent être réalisés tôt ou tard.

Le bien peut être fait pour lui-même et d’une manière désintéressée. Quand il est fait pour la récompense, l’idée même de récompense contient un élément désintéressé. lien est de même de la crainte du châtiment. »

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Une réflexion sur “Les dogmes orthodoxes du catholicisme

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